« J’ai d’abord eu une fois – et je pourrais situer cela exactement dans le temps et dans l’espace -, une émotion me venant d’un pré, au sens de pairie. J’ai commencé à vouloir rendre compte, éterniser si vous voulez, en quelque façon, par un texte, cette émotion, la garder devant et pour moi, écrire cela de peur de ne pas le retrouver. J’ai donc commencé à écrire, sans me préoccuper d’autre chose que de rendre compte de cette émotion. C’était une besogne d’expression, comme un paysagiste, mais évidemment en me servent des mots.
Très vite, je me suis aperçu que ce mot, ce mot lui-même, pré, qui revenait dans mes notes, ce mot devenait par lui-même non seulement intéressant, mais enfin devenait pour moi comme une espèce d’obsession. Ce mot. Et ce mot, je ne pouvais plus faire autrement que de le retrouver, à chaque instant dans les paroles que je disais ou qu’on me disait.
[...] Il ne s’agir pas seulement du mot qui désigne le petit carré d’herbe, qu’on peut voir, mais il s’agit d’un phonème qui est à chaque instant dans la bouche des gens.
Francis Ponge
Aux signes tracés, comment intégrer l’abondance d’une prairie habitéeA
(la difficulté porte sur des questions de préséance
en pré jubilatoire et carré méticuleux)
A. animaux répartis sur de nouveaux appuis,
insectes de plein air
./
Sans renoncer à une certaine désinvoltureB
trouver un équilibre n’excluant pas l’agrément d’un potager saccagé
définir quelles coïncidences conduisent à tel choix de figures parmi celles exprimant choses et sensations, quantités et positions.
B. filtrer l’inutile pourrait détruire l’ensemble
./
Fraîcheurs artificielles,
plantes flottantesC,
choses noueuse ou lisses parfaitement, sans vraies racines,
têtards en phase avec un avenir proche,
bassins de ciment vieux, étroits et profonds pour accentuer la surface de l’eau
C. mousses et lichens retiennent mal la couleur
[...]
Joël Baqué, Pré ou carré, Eric Pesty éditeur, 2015 (sans pagination).
Bio-bibliographie de Joël Baqué