Sous quel nom ?
Il y a dans cette voix, dès sa Première apparition (1986), son sourd écho des origines, quelque chose d'hiéroglyphique comme un serment, d'irrémédiable comme une blessure. La perte sans fond s'y fait mémoire ; le moindre tact, imposition.
Réel troué et transcendé. Son ombre dans chaque consonne / qui vibre : le chant même en écho mutique, âpre, sans pathos ; ses ellipses pudiques, syllabe après syllabe, par marches comme somnambuliques entre les bleus/ et le Nous. Entre promesses, inflexion d'une lettre, bouches très haut/ et la buée. Avec quelque chose sous chaque nom / à la limite, qui sourd encore, et qui n'a pas pardonné.
"Qu'est-ce qu'un poème ?" demande, (souffle) Esther Tellermann. Demandent entre autres, Terre exacte, Contre l'épisode, Le Troisième, Carnets à bruire. Comme, édifiant : Nous ne sommes jamais assez poète – études où, à chaque page,
la seconde / (... ) se fracture.
Densité, concision qui se fondent – chorales, écorchées vives. Pour que l'écho même nous fasse poussière de langue (…), nous hale, vers - non ici / mais encore dessous.
Là où – quel là ? Qui parle / en deçà ? (...) Je me souviens / de l'envers / d'un monde double.
Où le désert même écoute, entend. Restreint, qui croît mais, entend. Transperce. Adoube. Thrène aussi. Où nous sommes.
Ombre en quête du vrai corps. Dans la veille de quelle extinction, quelle silhouette portable qui nous emprunte – dans le sans-tact, le retenti ? Qui fonde le muet ? Dans - dès avant d'être, quelle attente hymnique où - entre l'obscur et le milieu ? (…)
Où - en vous / redevenir ?
Écho, oui. D'un double. D'un serment.
Loin des gargarismes et logorrhées-clip(s) ;
dans le geste, au-delà, de ceux qui veulent faire de l'irréconciliable une œuvre,
voici – hantée, seule, si près – la page arrachée/ remplissant / le monde.
Christian Hubin
Esther Tellermann, Sous votre nom, Flammarion, 2015.