Poezibao a posé à plusieurs de ses correspondants la question suivante :
L’art est-il, pour vous personnellement, dans votre vie quotidienne, un recours en ces temps de violence et de trouble(s) et si oui en quoi, très concrètement, littérature, musique, arts plastiques ?
Réponse de Bernard Bretonnière
L’art n’est pas, ne peut pas être et ne doit pas être une réponse à une situation donnée. Et moins encore une distraction factuelle – ici, se distraire d’une crise économique ou d’une période de violence et de trouble(s). Se distraire, autrement dit s’évader (il y aurait une « littérature d’évasion » ...), faire diversion, fuir. Si l’art est un recours, c’est en répondant à une nécessité constante, hors de tout événement particulier. Cette nécessité est pour moi constitutive, congénitale pourrait-on dire. Quel que soit le contexte, l’actualité, je n’ai jamais pu vivre sans la fréquentation de l’art. Parce que l’art est une réponse à la condition humaine tout entière, réponse au sens de réaction, de résistance, de refus, de révolte. Ainsi, quand la poésie se fait de circonstance, pour répondre à des situations politiques précises, par exemple, elle se dévoie et elle trahit l’art – avec prosélytisme ou emballement naïf. Les exemples sont nombreux et je pense à L’Honneur des poètes de 1943, recueil de poèmes de la Résistance englués dans un patriotisme benêt et « publicitaire » auquel Benjamin Péret répondit par son cinglant Déshonneur des poètes, replaçant salutairement l’art à sa place. Insatisfait de la condition humaine au-delà des crises, troubles et violences particulières, je vais donc au théâtre, je lis, j’écoute de la musique et je vais regarder des expositions d’arts plastiques. Toute œuvre d’art, par la commotion d’une beauté brutale, me console de la mesquinerie, de la médiocrité et de la laideur humaines, me grandit.