Laurent Albarracin a publié une note de lecture consacrée au livre de Laurine Rousselet, Nuit témoin, sur le site de Pierre Campion et a choisi ces extraits pour Poezibao :
le possible se tient dans la chair
souffle mâché
écrasé
assez loin le corps se surprend à refaire
remplacer du temps par du vide
décrocher de la limite
la dépense repère le point de vie
le point de mort
car le champ au-devant est unique
le plein vient quand le geste est à l’orée
un jour le dépassement est venu m’absorber
*
pour avancer il y a trouée
avec la tête
le beau
les seins
le sexe
le monde et l’inachevé
le saut règle son compte à la route
à tout instant s’approcher de l’absence
se ramasser à chaque pli
le souffle rend-il indemne ?
dans mon corps
désordre et sueur
pousser
pousser
pousser la dureté
*
l’épaisseur de la chair est un bloc
vivre trouve parfois sa liberté
dans un bouquet d’argile
la matière fait l’histoire
travailler à la lumière
se laisser trouer par les suffocations
ça claque dur au fond de moi
le mouvement du corps prisonnier ne lâche pas
ce matin le froid est total
l’abandon viendra du sang qui bat
Laurine Rousselet, Nuit témoin, éditions Isabelle Sauvage, 119 pages, 16 €, pages 26 à 28,
Incipit de la note de Laurent Albarracin :
"Ce qui tout de suite surprend dans l'écriture de Laurine Rousselet, c'est qu'elle est une écriture du désir, du corps amoureux, livrée au passionnel et au pulsionnel, à l'éperdu et à l'organique, et en même temps une écriture de l'effort, de la volonté, du travail, de la maîtrise de soi. De mettre en tension ces deux pôles antagonistes, ces deux injonctions vitales contradictoires, la poésie naît. S'abandonner et se recentrer semblent relever du même mouvement. Les deux forces opposées, loin de s'annuler, s'exacerbent."(lire la suite)