Pierre Dhainaut publie Un Art des passages aux éditions L’Herbe qui tremble.
UN NON POUR UN OUI
La sensation d’abord d’un étouffement : qu’est-ce qui me repoussait, qui m’empêchait d’avancer ? C’est pour respirer moins mal que, très jeune, j’ai eu recours au poème.
Après tant d’années je l’éprouve encore, cette sensation, les obstacles n’ont pas disparu. Ils viennent, les années me l’ont appris, de ces conduites qui ne visent qu’à dominer, posséder, et notre usage de la langue qui s’en tient aux significations immédiates, sans perspective, contribue à les raffermir.
Mais tenaces, ces obstacles ne sont pas assez puissants pour nous paralyser au point de nous rendre incapables de nous y opposer.
Nécessaire le refus, vital, il faut inlassablement le réactiver. Est-il pourtant l’unique origine du mouvement qui engendre les poèmes ?
J'ai dit non, pourquoi ne l'ai-je pas dit à la poésie ?
En fait, ce non qui semble initial convoque des forces qui sont en nous, que nous ne soupçonnions pas, qui appellent. Exclusif, il serait aussi étouffant que ce contre quoi il s'insurge, il risquerait à son tour de nous lier, d'entraver l'appel. Une vie n'est pas de trop, une vie qu'une œuvre agrandit.
Comment changer la violence en vigueur ?
Il n'y a pour la poésie ni chemins ni refuges. Elle s'en prend au langage lorsqu'il ne sert qu'à traduire le moi, le savoir, qui sont si peu, il ordonne et il borne, il endort. Un vers suffit pour le vérifier : par le rythme qui le stimule, par la résonance qui prolonge chacun de ses vocables, j'entre dans l'espace d'une parole qui ne souffre aucun ordre, aucune borne.
L'insurrection poétique ne concerne pas seulement l'art d'assembler les mots d'une manière différente, elle oblige à porter sur toute chose un regard étonné. Elle dénonce tout ce qui nous oppresse.
A-t-elle à le faire directement ? Depuis très longtemps cette question me taraude.
(…)
Pierre Dhainaut, Un art des passages, L’Herbe qui tremble, 2017, 272 p., 19€, pp. 43 et 44.
Pierre Dhainaut dans Poezibao :
biobibliographie, levées d’empreintes (parution), sur le vif prodigue (parution), extraits 1, ext. 2, notes poésie, note création, Vocation de l’esquisse (S. Fabre G), notes 3,[notes sur la création], Pierre Dhainaut et Mathieu Hilfiger, "De jour comme de nuit", par Michèle Finck, ext. 3, "Progrès d’une éclaircie", par Laurent Albarracin, [note de lecture] Pierre Dhainaut, "L’autre nom du vent", par Isabelle Lévesque, (note de lecture) "Voix entre voix", de Pierre Dhainaut et "La voix sombre", de Ryoko Sekiguchi, par Philippe Fumery
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