« Hail to thee, blithe Spirit! », « Salut à toi, esprit joyeux ! » « En chantant, tu montes toujours », « Tu aimes, mais de l'amour jamais tu n'as connu la satiété » : To a skylark, c'est grâce à Shelley, quand durant les cours d'anglais on étudiait des poèmes, que j'ai rencontré l'alouette. L'avais-je, enfant des villes, entendue déjà ? Ces vers que nous lisons dans notre jeunesse, qui nous enchantent, dont la résonance ne diminue pas, des années parfois sont nécessaires avant de comprendre pourquoi ils sont si vifs. Il était impossible, me disais-je, qu'une révélation puisse venir d'un oiseau d'ici, ici ne méritait que le dédain. Avec l'alouette j'ai appris à me désencombrer de tant d'images qui nous obscurcissent, qui appauvrissent le monde. L'oiseau qui est plus qu'un oiseau, nous dit Shelley, n'a pas à s'exhiber, il est tout entier son chant. « Un cristal pur », ce chant, parce que l'alouette sait de la mort comme de la vie « des choses plus vraies et plus profondes » que celles que nous concevons, nous qui rêvons seulement. Elle sait puisqu'elle s'offre, la joie ne vient que de l'offrande. « Enseigne-moi la moitié de la joie », Shelley l'implorait ainsi pour chanter plus ardemment, mais nous, n'écririons-nous pas de poèmes, prions-la pour que nous soyons attentifs, humblement, et que nous le restions. Fréquemment aussi je me récite à la suite d'À l'alouette l'Ode au vent d'ouest.
Pour parler d'un oiseau, suivons le conseil de Matisse selon qui, pour dessiner un arbre, « il faut monter avec lui ». Monter, nous commencerons à le faire en renonçant à vouloir nous évader. Plutôt que de glorifier le ménure-lyre et le banyan, ouvrons les portes, consacrons à ce frêne, à cette grive, notre attention, ils nous montreront combien nous étions absents, insensibles. Chère attention, tu n'es pas capable de me décevoir, tu troues les voiles qui par notre faute recouvrent toute chose. Ce n'est pas le monde que nous devons changer, nous devons changer en allant vers lui. Merveilleux, le frêne, merveilleuse, la grive, l'attention nous dilate, elle dit merci.
Pierre Dhainaut, Un Art des Passages, l’Herbe qui tremble, 2017, pp. 234 et 235.
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