Harry Mathews
Poésie ininterrompue - Harry Mathews (1ère diffusion : 24/08/1975)
Par Claude Royet-Journoud - Entretien mené par Georges Perec - Avec Harry Mathews
Lien de l’émission, durée 40 mn
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Harry Mathews
Poésie ininterrompue - Harry Mathews (1ère diffusion : 24/08/1975)
Par Claude Royet-Journoud - Entretien mené par Georges Perec - Avec Harry Mathews
Lien de l’émission, durée 40 mn
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Rédigé par Florence Trocmé le mercredi 31 mai 2017 à 10h29 dans Archives sonores | Lien permanent | Commentaires (0)
Avec Bosnie élégie (A. Oktenberg), Inventaire, un souffle (J. Simon), Je rêve que je vis ? (C. Stojka), les massacres en Bosnie, la déportation juive, la déportation rom, et avec maintenant Le Livre des morts, d’une certaine manière, les éditions Isabelle Sauvage continuent de feuilleter, avec émotion, le livre des morts de l’humanité.
L’argument est celui d’un scandale industriel : au début des années 1930, aux Etats-Unis d’Amérique, la société Union Carbide and Charbon Corporation fait creuser un tunnel à Gauley Bridge, en Virginie-Occidentale, pour dévier les eaux d’une rivière et alimenter une centrale hydroélectrique, c’est un chantier d’envergure ; mais au cours de l’opération on découvre que le sous-sol est riche en silice (« presque tout le long du tunnel la roche forée contenait 90 — voire 99 pour cent de silice pure », conclut une sous-commission d’enquête) ; une providence et le jackpot pour une société industrielle, car la silice est un matériau précieux à plein d’égards. Il est décidé de poursuivre l’ouvrage, et d’extraire, et de creuser, au mépris du fait que la poussière de silice provoque la silicose, maladie mortelle, et au mépris de la sécurité des hommes, travaillant sans masque, en majorité des afro-américains dans la détresse miséreuse de la dépression économique ; « quand les forets tournaient, sous la fumée et la poussière,/ on avait l’impression qu’un convoi aérien traversait le tunnel./ Respirateurs : non fournis./ J’ai vu des hommes avec des masques, mais au-dessus de la poitrine. » Seul le gain compte ; la vie des hommes est, aux yeux des industriels, pacotille dans la marche du progrès ; ainsi, dans l’indifférence, sinon la négation, 745 hommes mourront, sur les 2000 employés par la firme, sans compter les séquelles laissées aux survivants. On considère cette affaire comme un scandale, qui serait resté fait divers sans l’opiniâtreté des familles ou de proches des victimes, qui intentèrent un procès, soutenues par les médias de l’époque. Si le scandale est dans les faits, il est également dans ses suites, puisque les compensations octroyées aux familles des victimes ne seront que bagatelles. Quand vous naviguez sur internet, vous trouverez, en français, un minimum d’informations ; étrangement, l’Histoire s’en fout.
Muriel Rukeyser aura connaissance de ce scandale étouffé et, en 1937, en compagnie de la photographe Nancy Naumburg, elle se rendra sur les lieux ; leur objectif : témoigner en recueillant des témoignages, et croiser images et textes. Le projet artistique (et éditorial), et pour des raisons obscures, n’aboutira pas, mais les poèmes seront écrits.
Les poèmes du Livre relèvent de la poésie d’investigation. La poète prospecte sur place, transcrit ce qu’elle recueille. Le « je » scripteur est éloigné afin de rester dans l’objectivité de l’enquête et de la description, et de laisser libre au choix au lecteur de s’émouvoir ou pas ; la prise de parole à la première personne est essentiellement portée par les témoins, car ils sont les premières personnes de ce drame industriel. Il n’y a aucun effet personnel, du moins directement. On trouvera quelques traces discrètes de subjectivité dans les signes de ponctuation comme le point d’interrogation (de la poète), le choix de quelque titre (un « Éloge du comité »), ou de la musicalité d’un poème (un blues). Le ton objectif largement employé accentue la scandaleuse banalité des faits, accentue le cynisme des industriels, qui ont nié les événements, au profit de leur profit.
« là, le danger était absolu
la commission des mines
est venue, a été refoulée »
Témoigne un médecin.
Comme l’écrit Auxeméry au sujet d’Holocauste1, « le principe d’efficacité de ce poème est justement qu’il se construit dans l’effacement. Le poète s’efface, les figures de rhétorique ne sont pas visibles — sauf en de rares cas d’ironie. » Les poèmes sont fabriqués à l’aide de minutes de procès par-ci, de témoignages, de documents bruts ou de résultats d’enquête par-là. L’un d’eux, « Absalom », tresse des extraits de dépositions devant le Congrès américain et des extraits du Livre des morts des anciens égyptiens (à quoi fait référence le titre du livre2), dont le titre original est Livre pour sortir au Jour qui est un recueil de formules incantatoires pour accompagner l’âme des morts, les sortir des ténèbres et les diriger vers la lumière, les sortir de l’oubli (on mesure alors l’intention de Muriel Rukeyser).
Le choix du poème en vers (le vers renvoyant à la mémoire du chant lyrique), travaille cette idée de mémoire, comme si le vers était le meilleur moyen de mémoriser ce qui a été (plus ou moins volontairement) oublié (on le sait, le vers, la rime et autres techniques prosodiques, furent outils de mnémotechnie) ; et c’est sans doute la raison pourquoi, régulièrement, la colère gronde dans l’esprit du lecteur, en qui le vers s’inscrit lapidairement. Et d’une certaine manière, le vers manifeste le refus, de l’oubli.
Si on ne peut qualifier Le Livre des morts comme une œuvre entièrement objectiviste, on peut s’étonner du silence fait autour de Muriel Rukeyser quand on évoque le mouvement objectiviste américain, au moins, à l’instar de William Carlos Williams, en tant que précurseur. Publié en 1938, Le Livre précède les œuvres phares de l’objectivisme comme Testimony (1965) Holocaust (1975) de Charles Reznikoff. Pourtant : « Par le terme d'“objectiviste”, je pense que l'on veut parler d'un auteur qui ne décrit pas directement ses émotions mais ce qu'il voit, ce qu'il entend, qui s'en tient presque à un témoignage de tribunal, qui exprime indirectement ses émotions par le choix de son sujet, et de sa musique s’il écrit en vers […] Il y a une analogie entre le témoignage du tribunal et le témoignage du poète. »3 L’écriture de Muriel Rukeyser répond à cet objectif de témoignage.
Qu’importe. Reste une œuvre grande qui a pour dessein de graver les mémoires, de travailler l’oubli, et nous rappelle une des fonctions de la poésie, comme témoin de son temps, d’une manière ou d’une autre. Le livre contient un cahier de photographies, dont celles « perdues » de la photographe Nancy Namburg, et d’autres, anonymes, conservées dans les archives, et s’achève par un témoignage importé de Vladimir Pozner sur la catastrophe4 ; « C’est une histoire bien simple où il est question d’hommes, de silice et de dollars », écrit-il.
Jean-Pascal Dubost
1 Auxemery in Holocauste de Charles Reznikoff, éd. Prétexte, 2007
2 Le titre original est The Book of the Dead.
3 « Entretien avec Charles Reznikoff », ibid.
4 « Cadavres, sous-produits des dividendes » in Les Etats-Désunis, Denoël, 1938, réed. Lux éditeur, 2009
Muriel Rukeyser, Le Livre des morts, traduit de l’anglais (américain) par Emmanuelle Pingault, coll. Chaos, éditions Isabelle Sauvage, 114 pages, 24€
Rédigé par Florence Trocmé le mercredi 31 mai 2017 à 10h16 dans Notes de lecture | Lien permanent | Commentaires (1)
Christian Prigent publie Chino aime le sport, troisième volet de la trilogie Chino, après Les Enfances Chino (P.O.L., 2013) et Les Amours Chino (P.O.L., 2016) aux éditions P.O.L. Trois extraits.
REQUIEM POUR TABARLY
Éric ? un roc ! foc au récif rac rie
Entre les grains au plus près le bec pique
De piaf ou mésange à tête noire hic
Traduit sec en (Breizh atao !) Pen Duick ! 1964
Mutique (ou constipé ?) l'captain en poupe
Crispe un maxillaire amer sur des soupes
D'embruns vers les îles à rhum ou la
Samba furibarde du Horn écla
B'houssé de plume. Après l'écume, aux lieux
Non d'ours ou loups pas plus que lui causants,
Elle (Erin, Odet : Arcadie !) attend
Amoureuse à mort, la Manche — et adieu ! 1998
/
ASCENSION D'ARMSTRONG
Armstrong ? Un Faust cosmonaute à casque car 2000
Bone oreillette à tout azimut écar
Quillée dans l'hyper-oxygénation
Du globule ! et l'tricotis du ripaton
(En looping p'tit moulin), ça goinfre au pentu
De l'Alpe — après, ces merdes essoufflées, c'est
Piétaille à cul lourd; car pour l'extra strong Ü
Bermensch pas corpus sanum veut vélo mais
Décoller d'homo moyen vers un astre où m
Arche Ange ou Méphisto sur l'eau mais via vroum
Vroum Formule 1 (moteur survitaminé
Par Signor Ferrari docteur bien nommé)
/
FERENC PUSKÀS D'EST EN OUEST
1
Dans les années cinquante avant les lucarnes
T(echnicolor)V(ociférantes) la carne
Footeuse on se la caillait en V.O. noir/
Blanc + son sourdiné collé au coaltar
De crachin sur cul ras les mottes : aux vaches
Pan ! ou toc aux taupinières, le shoot !
Crache-
Le z'y quand même en joie ton poumon souviens-
Toi Chino soixante années après vingt 2015
Kilos en plus les crampons au clou cloué
De goutte au déambulant du cogité
(+ la rouscaille des « merdes aux pétro-
Qataris dollars ! Fly Emirates ! Ko
Op PSG ! pubs ! Ray Ban people ! ») sur ton
Canapé :
récoute sur Radio cron-cron
Coqs cocoriquer quand cacataient sépia
Les z'héros en short épique aux unes : ah
Ajax Cisowslci ! Achille Wisnieslci ! 1957
Ulysse Ujlaki ! Nestor Kopa(jewski)
Christian Prigent, Chino aime le sport, P.O.L. 2017, 176 pages, 18€, pp. 11, 14 et 75.
sur le site de l’éditeur
Christian Prigent dans Poezibao :
bio-bibliographie, remise du prix Louis Guilloux (article R. Klapka), notes sur la poésie, extrait 1, Quatre Temps, entretien avec B. Gorrillot, (par T. Hordé), ext. 2, Météo des plages (par A. Malaprade), rencontre avec Christian Prigent, note sur la création, ext. 3, nc2, (note de lecture) Christian Prigent, "Les Amours Chino", par Bruno Fern, (Archive) Quatre courtes vidéos de Christian Prigent
Rédigé par Florence Trocmé le mercredi 31 mai 2017 à 10h00 dans Anthologie permanente | Lien permanent | Commentaires (0)
Agenda et revue de presse. Les infos sont publiées en temps réel ici
Plus de détails sur chacune de ces informations en cliquant sur leur titre.
(Agenda) 29 mai au 3 juin, Périphéries du Marché de la Poésie
(Agenda) 3 au 5 juin, Saint Malo, Étonnants-Voyageurs
(Agenda) jeudi 1er juin, Paris, Eric Suchère
(Agenda) lundi 29 mai, Paris, États Généraux de la Poésie #1 : 2017, Ouvertures
(Agenda) mercredi 31 mai, Paris, Suzanne Doppelt et Jim Dine
(Note de lecture), "Avers", de Dominique Quélen par Bruno Fern
(Parution) Un nouvel introuvable de Denis Roche en ligne
(Article) Entretien avec Max de Carvalho - En attendant Nadeau
(article) Emily Dickinson’s Herbarium: A Forgotten Treasure at the Intersection of Science and Poetry
Photo ©Isabelle Baladine Howald
Rédigé par Florence Trocmé le lundi 29 mai 2017 à 10h36 dans Agenda, liens, informations | Lien permanent | Commentaires (0)
En lien avec la note de lecture du livre Le miroir aveugle de Jean-Luc Parant par Eric Darsan, cette lecture-diaporama.
'' Chant du jour et de la nuit '' : Extrait du CD '' Partir '' - 1997
Textes et voix : Jean-Luc Parant
Musique et piano : Maris-Sol Parant
Diaporama réalisé par Mona Moore (Outils de communication et de séduction : http://monamoore.net) à partir de diverses œuvres de Jean-Luc Parant, pour le site http://jeanlucparant.com – 2010
Lien de la vidéo, durée 5’33
On peut aussi regarder cette courte vidéo, enregistrée au Festival Voix Vives, en 2015.
Lien de la vidéo, durée 2'2
Rédigé par Florence Trocmé le lundi 29 mai 2017 à 10h26 dans Archives sonores | Lien permanent | Commentaires (0)
Essais, confessions, journal de bord intime et extime, Le miroir aveugle de Jean-Luc Parant se dépl(o)ie suivant cinq mouvements – Face à nous-mêmes, Le miroir aveugle, Des flammes dans la nuit, Un morceau de ciel sans fin, De la nuit et du vide – pour constituer une somme surréaliste, poétique et analytique, qui éclaire sous un jour nouveau ce grand livre de vie que constitue cette œuvre-monde initiée il y a plus de cinquante ans.
« Nous restons longtemps la même personne
parce que nous ne nous voyons pas tout entier. »
Face à nous-mêmes. A la façon dont nous percevons. Notre corps, notre image, notre identité. Face aux autres, au monde, à ce qui nous est/m'est extérieur, étrange(r). À l'existence, à la conscience, à la réalité. Face à ce miroir aveugle. Dont le contenu, dense et diffus à la fois, prisme dont les multiples facettes agissent par diffraction, offre des milliers de réfle(x)ctions. Dont tous les points sont autant d'interrogations, formulées ou non. Face à l'artiste que l'on/qui se découvre progressivement. Qui écrit pour se révéler, comme en négatif, dans toute sa singularité. Qui se sent, et donc se sait, différent de l'image que renvoie le miroir ou l'écran. (Se) Distingue. Avec ses yeux, avec ses mains. Cheminer avec Parant comme le ferait l'enfant. Qu'il était, qu'il demeure à l'intérieur de lui – « S’il n'y avait pas eu les miroirs pour me voir, je serais resté petit. »
Le miroir aveugle. Qui reflète ce qu'il est, le projette sur le passant, le perçoit comme (tré)passant. Expérience, existentielle et essentielle, de Parant. Qui d'un état d'esprit fait un état de fait. Où la philosophie, comme souvent, rejoint la science dans ses conclusions. Qui conclut à l'accélération de la rotation de la Terre, du temps, des déplacements. Accroît le sentiment de la catastrophe, la conscience du temps qui passe, de l'infiniment petit et grand, de l'éternel et de l'éphémère. Resitue la question de l'intériorité de soi, de l'extériorité des autres, dans celle de l'autoportrait de l'auteur en artiste – « La représentation de moi-même qui passe par les yeux des autres n'est pas non plus mon autoportrait. C'est mon portrait photographique. » Portrait composé de dizaines d'autres, vignettes qui accompagnent le texte et montrent l'auteur saisi à tous les âges de sa vie.
Des flammes dans la nuit. De celles qui éclairent. La terre, l'univers, le soleil : c'est toujours via et vers l'infiniment grand que se projette Jean-Luc Parant, qu'il se comprend, se mesure, exprime sans démesure le sentiment intime d'appartenir à un grand tout. Accessible dans ses idées, complexe dans ses développements, à l'instar de l'ensemble de ses écrits, Le miroir aveugle, où « L'écrivain et artiste s'interroge sur sa vie et sur l'origine des yeux et des boules qui hantent son œuvre », ne donne pas de réponses. Ou plutôt les donnent sans les relier, comme s'il s'agissait d'interrogations autre, tournant autour des thèmes du miroir, du regard et du toucher, du visible et de l'invisible, de la lumière et de l'obscurité – « J'ai fabriqué des boules pour reproduire ce que je ne voyais pas de moi-même, et j'ai écris des textes sur les yeux pour reproduire ce que j'en voyais. »
Un morceau de ciel sans fin. Fragments d'une œuvre abondante (près d'une centaine d'ouvrages recensés dont chacun les contient tous), projet et réalisation, dessein et dasein, davantage que le plan d'un hologramme (ce que sont, au mieux les livres la plupart du temps), les volumes de Jean-Luc Parant (livres et boules) tournent sur et autour d'eux-mêmes, comme ivres et saouls. Tout plein de Parant, pensant, parlant, vivant et écrivant, existant et transcendant. Dont l'écriture se déploie, automatique, répétitive et rotative, par allers et retours constants. Dans un mouvement elliptique, hélicoïdal, qui procède en spirale, de l'intérieur vers l'extérieur. Qui lance ses questions comme autant de flèches. Tance le lecteur qui tente de les saisir comme autant de boomerangs. De reflets. D'éclairs. Chaque trait de lumière éclairant un objet projetant dans le même temps son ombre sur le suivant qui, à son tour, appelle un éclairage.
Parcourir des yeux, des mains, l'œuvre de Parant, c'est accepter de (re)passer aux mêmes endroits, jusqu'à être sûr de n'en avoir oublié aucun, avant de découvrir une œuvre hermétique, mais ouverte, qui prend le temps et l'espace nécessaires pour aller au bout d'une chose, d'un sens, d'en expérimenter la totalité. Et ce n'est qu'à la suite de ce qu'il faut bien appeler une expérience de lecture qu'apparaît, comme une apocalypse, l'effroyable révélation De la nuit et du vide – « on m'a menti, il n'y a rien » – la justification de l'œuvre tout entière – sa née cécité – et l'évidence du regard – trop souvent oublié au profit de la connaissance – et du toucher qui lui confèrent forme et sens, en un mot : sa réalité. Une évidence rendue à la vérité, que l'on ne pouvait appréhender sans l'expérience qui passe par la glose – à l'instar de l'impressionnant roman de Juan Juan José Saer – pour atteindre la gnose.
« Je passe mon temps à chercher et à dire l'incertitude, à dire des choses absurdes ou qui ne sont pas vérifiables véritablement. Mais je les vérifie en écrivant. »
Avec Le miroir aveugle, Jean-Luc Parant, peintre et sculpteur de l'intériorité, signe un ouvrage pro(-)fond(s), méta(-)physique et spirituel, qui ne s'embrasse pas de l'habituel apparat et arsenal institutionnel et épistémologique philo-sophique/-génétique – CQFD – qui font d'une discipline une science et d'une science une religion, pour révéler combien il apparaît étrange(r) et donc nécessaire d'interroger l'évidence du et des sens.
Remarquable réflexion sur l'existence, l'apparition et le travail de création, le miroir aveugle est le fruit d'une introspection, d'une contemplation et d'une méditation réelles et profondes, qui s'appuient sur une conscience lucide et sur une imagination riche et débridée pour mieux les (re)mettre en question, comme en abyme, cherchant en guise de réponse, un écho, une ligne de fuite, une loi de Planck, un rayonnement fossile – « Il faut écrire dans le vide jusqu'à ce qu'un long hurlement sans fin tente de traduire ce que nous avons écrit. »
Eric Darsan
Jean-Luc Parant, Le miroir aveugle, éditions Argol, 2016, 195 p., 18 €
Rédigé par Florence Trocmé le lundi 29 mai 2017 à 10h13 dans Notes de lecture | Lien permanent | Commentaires (0)
Jean-Paul Klée publie Décembre difficile, Collection de l’Olifant / Poésie, Belladone.
OH PALMIER VERDISSANT
Si rarement l'Allema
gne m'a vü (je n'y mis pas souvent
le pié) comme si échaudé j'avais encor
confuse terreur de l'HORRIBLE CHOZZ
qu'à mon père assassiné fi
rent les NAZIS (c'était il y a
71 ans) mais nul n'oublie & ma
peau encor est-ell[e ta
touée d'une AFFRE qui n'aura
plus de nom ?... J'étais assis à la
PIEROD pâtisserie de l'autre côté
du Rhin devant un
bol de kafé au lait grand comme
piscine d'un[e villa de style
wagnérien — C'est à Kehl jüstement qu'a
édité Beaumarchais les
Œuvres de Voltaire (Paris l'aurait
censüré) Ici le pont a enjambé
un Styx blanchâtre qui sous le ciel
morose ne s'expri
me pas (ni flux infernal ni
sübtil trait d'union) : L'EAU
ne pense à rien elle ne charriait
que poissons ❑ sable ❑ cailloux ❑ c'est
l'insondable FLOU d'un continent perdü
& double suicidé !... L'autobus fée
son petit chemin comme s'il n'y avait
rien d'angoissant ni crüautés à l'ORI
ENT ni bientôt l'aphasique mort
d'un asiatique continent!...
Le palmier du confiseur est-il
un vrai palmier d'Arabie (c'est
oui) me dit un client « Je viens
« ici depuis quatorze ans je l'ai
« toujours vü verdissant » Le patron
l'a confirmé souriant Mais
l'Apocalypse va-t-elle d'issi
l'Épiphanie nous engloutir ?...
À koi ressemblera
février 2016 — Où donc arriv
era pourritür[e qu'Occident a
depuis si longues années inno
cülée dans tout le
monde entier ?...
L'Alsacien s'est levé a quitté
la confiserie me lançant « Prenez
« bien soin de mon arbre là — Je reviens
« d'ici 3 ans voir s'il
« est toujours verdürant. »
27
BREF !...
si j'étais pilchar ou morüe
si j'étais cerf-volant ou coquecigrüe
si j'étais farfelüe dynamo de vélo
si j'étais jeton de casino ou domino
si j'étais nougatin[e boléro de Ravel
si j'étais chocolat ou klé d'un trésor
& diamantaire japonais ou arbre d'i
talie ou le neveu du Nain jaune Si
j'étais roi de Bouxwiller ou lecteur
dü sadique marquis oh la dy[a
blerie oh l'inaudible folie &
c'était vaguement rêverie qu'à l'é
crir ici je n'avantage ri[en ni
l'absolu ni moindre moulinet d'un
joli garçon — Cürieusement
la vie m'enfanta & malgré moi ell[e m'a
englouti Oh pénétra
ble nuitée bleu-bourjois je ne suis
capitaine ni l'anarchie & c'est
glori[euse NUÉE D'ARDEUR qu'à la
fin de ma vie j'entrevou
aillais ! … (L’autobüs
va démarrer) (il est
13H47) on va TOUS
repasser le pont sür
l’indicible Rien :
Jean-Paul Klée, Décembre difficile, Collection de l’Olifant / Poésie, Belladone, 2017, 110 pages, 12€, pp. 26/27 et 41
Jean-Paul Klée dans Poezibao :
bio-bibliographie, extrait 1, ext. 2, Bonheurs d’Olivier Larizza (JP Dubost), entretien avec Jean-Paul Klée par Jean-Pascal Dubost (1, 2, 3, 4 et 5 avec PDF), Bonheurs d’Olivier Larizza (G. Guillain), ext 3, "Décorateurs de l’agonie", par Jacques Morin, ext. 4, (note de lecture) Jean-Paul Klée, "Manoir des mélancolies", par Jean-Pascal Dubost, (note de lecture) Jean-Paul Klée, "cœur qui comme le mien ir / a décoloré parmi les fleurs", par Jacques Morin,
Poezibao recommande en particulier les 5 entretiens avec Jean-Pascal Dubost
Rédigé par Florence Trocmé le lundi 29 mai 2017 à 10h00 dans Anthologie permanente | Lien permanent | Commentaires (0)
Les seize articles parus dans Poezibao cette semaine (et aussi, pour information, les nouvelles parutions de Muzibao et du Flotoir).
Toutes les mentions en bleu sont des liens, cliquables, qui conduisent aux articles.
→ Une nouvelle parution dans la revue Sur Zone, un texte de Philippe Jaffeux :
○ (Revue Sur Zone), n° 39, Philippe Jaffeux, "Mouvement"
→ Un entretien avec Elke de Rijcke :
○ (Entretien) avec Elke de Rijcke, par Martine Renouprez
→ Une carte blanche à Pascal Commère, à propos de JP Verheggen :
○ (Carte blanche) à Pascal Commère, "Conn’ssez pas Verheggen ? Z’avez tort.
→ Notes de lecture de livres de Boris Wolowiec, Elke de Rijcke, Marcia Marques Rambourg, Werner Lambersy, Gérald Purnelle, Fernand Verhesen
○ (Note de lecture), "À oui" de Boris Wolowiec, par Julien Starck
○ (Note de lecture), "Västerås", de Elke de Rijcke, par Martine Renouprez
○ (Note de lecture), Marcia Marques Rambourg : "Que.La.Peau.Tienne", par Pascal Boulanger
○ (Note de lecture), Werner Lambersy, "Hommage à Calder", par Jacques Morin
○ (Note de lecture) Gérald Purnelle, "L’écriture et la foudre", par Philippe Fumery
○ (Note de lecture), revue "L'étrangère, Fernand Verhesen", Numéro 42, par René Noël
→ Anthologie permanente, Sophie Loizeau, Jean-Pierre Verheggen et Pascal Boulanger :
○ (Anthologie permanente) Sophie Loizeau, "avec l'été, je retrouve le don d'été"
○ (Anthologie permanente) Jean-Pierre Verheggen, "car on cafouille, on s'embourbe, on marécage"
○ (Anthologie permanente) Pascal Boulanger, "quelque chose parle des choses"
→ Archives sonores, Ferdinand de Saussure, Jean-Pierre Verheggen et Pascal Boulanger.
○ (Archive sonore) Ferdinand de Saussure
○ (Archive sonore) Jean-Pierre Verheggen
○ (Archive sonore) Pascal Boulanger
→ Les livres reçus cette semaine, notamment Christian Prigent, Alain Duault, Serge Ritman, Marie-Elisabeth Caffiez, etc.
○ (Poezibao a reçu) du samedi 27 mai 2017
Et aussi :
→ Une nouvelle parution du Flotoir
○ « Les liens associatifs bondissants »
→ Deux nouvelles parutions dans Muzibao,
○ La « Chronique du 20 » d’André Hirt qui réfléchit sur bonheur et musique
○ Le4ème épisode du feuilleton sur musique et numérique de Jean-Paul Louis-Lambert.
On peut suivre aussi Poezibao et notamment toutes les informations poésie en temps réel soit sur le compte scoop-it, soit sur le compte twitter. Le compte twitter est aussi accessible via la colonne de gauche sur le site même.
Rédigé par Florence Trocmé le samedi 27 mai 2017 à 14h11 dans Poezibao Hebdo | Lien permanent | Commentaires (0)
Fernand Verhesen (1), 1913-2009, se voit et s'entend vers à vers, poète-relief, faisant toucher, vivre de l'intérieur les largeurs de vue de l'homme, de chacun d'entre nous fait de désirs antérieurs et de postérités, de sommes d'ancêtres et d'essais, de suppositions, d'initiatives, d'erreurs et de recommencements à blanc, une fois les oublis eux-mêmes devenus supports de mémoires improbables aux confins des cercles des commencements, autour de soi, matière espace-temps, rose des vents du temps où la vision de l'étendue réalise chacun, sa vie part des mots, à la croisée des époques et des cultures, du signe et du sens neufs proposant une vue large et actuelle de l'humain. Les terreurs et les abaissements, leurs critiques, du monde, sont incrustés dans sa poésie, sans qu'à aucun moment elle ne quitte les éléments de la nature, ne renonce à ses qualités, si bien qu'il y a là un paradoxe, une réalité qui au-delà des discours, signe une grandeur manifeste.
Catalyseur d'énergies, de Pierre Reverdy, René Char, Jacques Dupin, Bernard Noël, à Antonio Ramos Rosa, Antonio Porchia, Roberto Juarroz, Alejandra Pizarnik, et tous les poètes moins connus mais non moins vitaux des mêmes générations qu'il critique et traduit, avec lesquels il correspond, Fernand Verhesen continue à conduire - de la même façon que le cuivre, métal crucial de toutes les prothèses électroniques dont le seul défaut, mineur (sic !), serait quant à lui de réduire l'homme et les formes de vie créateurs d'analogies, au système binaire, et d'interdire tout ce qui diffère de celui-ci - à stimuler les poètes actuels. Il semble que le vingtième siècle sera venu à bout de tous les arts, excepté la poésie, Pierre-Yves Soucy cite ici, en exergue de son texte d'ouverture, Joseph Brodsky, lui-même ayant participé aux côtés de Verhesen au courrier, l'une des revues littéraires les plus essentielles de son époque, puis créé L'étrangère qui a pris le relais de celui-ci. François Rannou éclaire les profondeurs de l'essayiste Verhesen. Victor Martinez étudie la traduction de l'espagnol de poètes majeurs qui fait partie de sa poésie à part entière, Verhesen ayant une vision de l'acte de traduire moderne, reportant les rapports physique métaphysique au plan des langues, la verticalité et l'horizontalité, le rien et le tout à chaque mot - ce dont les lettres publiées en fin de volume témoignent, la minutie et la restitution forcément décalée entre l'original et la traduction se substituant aux généralités, aux théories globales - précisés, renouvelés. Pierre-Yves Soucy écrit dans une seconde étude les amplitudes, les générosités, les désirs de Verhesen qui vont là où le chant naît avant toute considération de reconnaissance, de célébrité, ainsi d'Olivier de Magny et Pernette du Guillet, voyant les alliés substantiels s'épauler, se stimuler tout au long des siècles. Il y a là offert au lecteur un univers où l'agencement des mots, la prosodie et la syntaxe, les rythmes, se choisissent et défont les refus de mouvement. Pedro Serrano publie un essai où l'importance des traductions de Verhesen, autant pour lui-même que pour le continent d'Amérique latine et centrale, est affirmée aux côtés d'Ezra Pound, Octavio Paz et John Ashbery quant à l'importance donnée à l'acte de traduire depuis le vingtième siècle. Des extraits de correspondance, un texte inédit et une encre sur papier de Verhesen, cette dernière figurant peut-être que le monde de Verhesen non seulement vit la modernité, l'atonalité, les plans des figurations et abstractions critiquées par tous les mouvements post-dadaïstes subversifs et les philosophes, dont Wittgenstein qu'il lit indique-t-il à Roberto Juarroz, mais aussi les rapports avec les arts d'Asie, du Japon, voisinent avec ces études.
René Noël
1) Poète, traducteur, critique, pédagogue, éditeur, revuiste, essayiste, fondateur du Centre international d'études poétiques de Bruxelles
Revue L'étrangère, Fernand Verhesen, Numéro 42
Rédigé par Florence Trocmé le samedi 27 mai 2017 à 13h46 dans Notes de lecture | Lien permanent | Commentaires (0)
Les dix livres et revues reçus par Poezibao cette semaine :
○ Christian Prigent, Chino aime le sport, P.O.L., 2017, 18€
○ Serge Ritman, Ta résonance, ma retenue, Tarabuste, 2017, 22€
○ Alain Duault, Ce léger rien des choses qui ont fui, Gallimard, 2017, 19€
○ Marie-Elisabeth Caffiez, Sous les yeux des aïeux, Pierre Mainard, 2017, 12€
○ Nathalie Nabert, Steppe, Ad Solem, 2017, 18€
○ Habiter cette maison, poèmes de Ghada Khalifa, Abdullah Almuhsin, Kadhem Khanjar, Rasha Omran, Alidades, 2017, 5,70€
○ Christine Billard, Pollen de la parole, p.i.sage intérieur 2017, 10€
○ Alexandre Billon, Lettres d'une île, p.i.sage intérieur,2017, 10€
Revues :
○ Dissonances, N°32, été 2017. Nu.
○ Le nouveau millénaire, n°5, mais 2017 - Ch. Valentin Alkan, Jeanne Loiseau, Les éditions du Nouveau Millénaire, 2017, 7,50€
Rédigé par Florence Trocmé le samedi 27 mai 2017 à 13h36 dans Poezibao a reçu | Lien permanent | Commentaires (0)