On se trouve ici face à une série de poèmes, avec un aspect narratif et une continuité, du premier au dernier, avec une vraie construction autour de thèmes qui reviennent comme "Maison", "Diagnostic", "Abandon".
Ces poèmes sont écrits à une curieuse première personne, parfois je, mais souvent jl, sans doute une contraction de je et de il, parfois encore verbe à la première personne mais pronom supprimé, remplacé par un vide, … celui qui parle étant Kaspar Hauser, cet enfant parfois dit sauvage, parfois dit du placard, qui fut découvert sur une place de Nuremberg, en 1828, alors qu’il avait 16 ans, sans que l’on ait jamais su d’où il venait ni quelle était son histoire, même s’il est possible qu’il ait été le rejeton abandonné d’une grande famille.
Kaspar n’aurait reçu aucune éducation, n’aurait eu que très peu de contact jusqu’à ses seize ans et les poèmes tentent de rendre compte de son chaos intérieur, de la distorsion effrayante entre son expérience antérieure et ce qu’il vit une fois immergé dans la société des hommes.
Laure Gauthier se livre ici à un véritable travail d’élaboration, qui porte tant sur la forme du texte que sur le travail de la langue, à partir de ce vécu supposé de Kaspar Hauser. Il y a quelque chose d’heurté, de chaotique dans ces textes, des effets de répétitions, un peu comme si le narrateur bégayait ou ânonnait. Comme si la grammaire traduisait le trouble identitaire du jeune homme.
L’ensemble est saisissant. Il y a une vraie recherche littéraire en lien avec une histoire fascinante et on note une dimension politique discrète dans l’expression des ressentis du héros devant ce qu’on lui demande ou lui inflige et devant ce que la vie en société implique.
Florence Trocmé
Laure Gauthier, kaspar de pierre, Éditions La Lettre volée, 2017, 50 p., 14 €, lire un extrait
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