« Je suis mu, je suis "activé" par le regard, et j’ai une grande curiosité du regard, enfin par l’ombre et lumière, qu’ils soient sur une faille, qu’ils soient dans l’arbre traversé du ciel, dans la direction d’une branche, dans des graviers épars…, cette relation de l’ombre et lumière. Je crois que c‘est ce qui me meut. Je pars toujours de là. C’est un monde – je mettrais le mot entre guillemets – c’est un monde "émotionnel". C’est une affinité ; j’aime la terre, la pierre, mais en réalité je ne nomme pas quand je vois. Ce sont des phénomènes que je perçois. Si je vois un sillon, ce n’est pas tant le sillon, mais sa direction, son élan vers le ciel, sa qualité d’ombre et de lumière. Ce n’est pas le sillon.
Quelquefois je m’interroge, sur un arbre, est-ce un arbre ? est-ce un homme ? ou une motte ? est-ce un lièvre ou une motte ? Vous voyez, je ne nomme pas avant que de faire… »
« Si vous regardez un oiseau voler ou un vol qui passe ou une voiture ou un homme qui court à pied, vous ne voyez pas le paysage. Si vous regardez le paysage, vous ne voyez plus l’homme. Mais les gens pensent qu’il faut faire le paysage, qu’il faut faire l’eau, et le roseau, et le poisson qui passe. Ce n’est pas la réalité. Si vous suivez le poisson qui passe ou le lièvre qui court, vous ne voyez pas le brin d’herbe ou, si vous voyez le brin d’herbe, vous ne verrez pas le lièvre. Il faut choisir. Il y a des gens intelligents qui n’arrivent pas à saisir cela… (…) On dit "le proche". Qu’est-ce que cela veut dire, "le proche" ? Ce qui est proche, c’est ce qui vous intéresse, un point c’est tout. Un nuage qui est à dix kilomètres est plus proche de vous qu’un caillou que vous ne voyez pas. La proximité… C’est ce qui vous habite. Alors pour le nuage, il a une telle clarté qu’il vous habite beaucoup plus que ce qui est physiquement plus près de vous. Ce qui sera le plus proche, ce n’est pas par la distance, c’est par l’intérêt. »
(A propos de la peinture préhistorique et des artistes de cette époque) :
« Ils ne savaient pas, ils ne savaient pas… ils étaient libres. C’est quand on sait qu’on n’est plus libre. »
Pierre Tal Coat, L’immobilité battante, entretiens avec Jean-Pascal Léger, photographies de Michel Dieuzaide, éd. L’Atelier contemporain, 2017, 120 pages, 20 €, pp 34, 46 et 48.
Choix d’Antoine Emaz
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