Il y a, dès le titre, le doute. Doute du croyant comme de l’agnostique. Doute fécond. Qui questionne, n’arrête rien.
Frédéric Boyer, dans les trois textes brefs qui composent ce livre, consacrés au décès accidentel de sa femme Anne Dufourmantelle, n’en raconte pas les circonstances – que l’on connaît ; seulement ce : « quand petite héroïne / repose sur le sable / souffle perdu ». Familier des textes sacrés, l’auteur approche ici cette forme d’écriture par une concision volontiers allégorique plutôt que factuelle, préférant à la narration la réflexion et l’interrogation – au plus près des sensations. La mort est dite sans détours : « noirceur de la perte et de la séparation », « une chose monstrueuse », « l’horreur », « néant néant », cet « effroi », « cette forêt où tu es partie te perdre », « cette Bête », « là-bas, où tu es sans être » ; mort proprement incompréhensible, inacceptable (« non ce n’est pas vrai » – trois fois –, « quelle chose ment ? », « je veux je veux qu’on me rende à toi ») ; « le mot de mort est le seul qui ne commence rien le seul à mettre fin à tous les autres mots ».
Lui, « survivant devenu », « moins vivant[s] que poupée[s] », « enfant[s] perdu[s] » « dans les rangs du chagrin », dans « l’obscénité de ce présent » – « Oui je vais rester là où tu n’es plus ». Car ce chagrin est « hideux / que nul oubli n’oblitère ».
On l’a compris, il ne s’agit pas ici de faire le deuil, mais, au contraire, de le refuser. Parce que tout effacement serait mensonge et trahison.
car tu es et je ne suis pas
tu es où je ne sais pas
es-tu là où tu n’es pas quand je te dis tu es
tu es où je ne te suis pas quand tu n’es plus
tout renaît disaient les Anciens tout recommence
les feuilles le jour et les abeilles
la nuit aussi
et toi non
peut-être pas immortelle
Bernard Bretonnière
Frédéric Boyer, Peut-être pas immortelle, P.O.L, 2018, 96 p, 9€. - lire des extraits de ce livre
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