Après se situe, ainsi que son titre le suggère, dans une double temporalité : celle de l’hospitalisation, où « tu n’es plus que ce corps / qui se redresse et qui / s’effondre » » (p. 23), avec ses peurs et la solitude amplifiée que celles-ci provoquent, jusque dans l’incapacité poétique, et celle d’une réflexion sur le retour à l’apaisement. Les poèmes de 8 à 12 vers, écrits dans un présent qui témoigne de cette temporalité, sont pour la plupart faits d’une phrase qui enveloppe l’instant de réalité qu’ils évoquent : s’y ajoute une manière qui me semble nouvelle chez l’auteur de créer une circulation qui la densifie par un jeu de débordements syntaxiques et de rejets, à l’image de cette angoisse qui envahit, déborde, et se contient avec peine. Sensation, émotion, dérive de l’imaginaire, tête et corps sont ramenés à ce réduit spatial – la chambre - et mental – la peur - que la nuit renforce. Il faudra attendre la dernière partie pour retrouver l’espoir de mots qui apaisent, avec un lexique plus dhainautien, tel que « la promesse d’une source / impérissable » (p. 47) que la réalité de la maladie et de l’hospitalisation avait en grande partie défaite ; « dire ensemble » titre cette quatrième partie, de cette façon que Pierre Dhainaut a de placer la poésie comme un espace d’échanges possibles.
Ludovic Degroote
Pierre Dhainaut, Après, L’herbe qui tremble, 2019, 72 p., 13 €, sur le site de l’éditeur.
Extraits [choix de la rédaction]
Concentration, débordement,
cela de chambre
en chambre, tout un étage,
la nuit de novembre
se répand très tôt,
celle qui entretient l’écoute
depuis l’enfance : ce qu’elle
attend, personne
ne le sait, le sait-elle ?
l’interrogation se répète
jusqu’à plus soif.
*
Graver sur un carreau couvert de givre
des lettres initiales, déchiffrer au plafond
d’inextricables lignes sinueuses,
l’instant est toujours propice
d’esquisser un geste : que la durée s’en charge
et l’introduise en sa langue de pertes,
de résurgences, d’augures, il demeure
en suspens.
(pp. 35 et 53).
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