Ce n’est pas le genre de recueil qui s’appréhende comme ça. On a déjà un langage extrêmement disséqué, un peu hermétique, alors que l’on perçoit au travers du vocabulaire un arrière-fond montagnard, à travers l’importance du bois, des arbres, de la rigueur du climat, des termes scierie, atelier, grange et une syntaxe un peu cassée, un peu cassante, avec des bribes de phrases, un peu à l’image du titre qui semble obscur, alors qu’il résume peut-être parfaitement l’esprit du livre.
À savoir une tentative de bilan de l’instant présent en regard d’un avenir désolant. À l’appui de cette impression ces expressions et mots égrenés au long des pages, concernant de qui et de quoi il est question :
ramassis d’égarés …
vers l’infaillible désastre …
en pure perte, un frein mis à l’inexorable, à la suffocation de ces disloqués …
perclus … déterrés … une poignée d’effarés …
abasourdi …
nous les rafistolés, les trébuchants …
à merci de l’irrémédiable …
Marie-Laure Zoss tente de mettre en mots cet état du monde qui se présente lorsque l’on en prend conscience véritablement. On se trouve à l’ultime frontière :
on finira par déserter le temps des vivants …
tant d’heures asphyxiées à s’étudier périr …
plus que jamais ce besoin d’y croire à notre vie sur terre ? …
aux confins d’eux-mêmes perdant pied, ils s’aventurent…
C’est bien d’une quête désespérée, perdue d’avance, catastrophique qu’il s’agit, et pour mieux l’appréhender, elle va recourir à des images au laser :
cerneaux brimbalés secs dans le crâne …
crachin d’aiguilles …
leurs paquets gris brancardés dans l’âme …
on a si froid aux vertèbres, la douleur crache ses orties …
Le recueil exigeant et âpre de Marie-Laure Zoss se lit comme une déflagration au cœur.
Jacques Morin
Mary-Laure Zoss, D’ici qu’à sa perte, éditions Faï Fioc, 2021, 80 p., 12€.
Poezibao a publié des extraits de ce livre dans son « anthologie permanente »