« à l’heure de la sieste sous un midi brûlant c’est
l’histoire d’une possession et celle d’un exorcisme »
Récit intimiste au souffle indéniablement poétique, Aller au fond, l’été paraît être le journal reconstitué d’un épisode intense et douloureux. Le décor en est planté dans ses détails, jusqu’à créer une ambiance torride et prenante : « Les mouches ont envahi la maison et sucent ses murs comme une immense peau. » Tout est décrit sur un mode à la fois très doux et très précis, reflet d’une crudité intransigeante. Pas de contorsion pour dire, mais un rapport pacifié de quelque chose qui n’a pas été paisible. Une tension qui a été trop vive, qui voudrait se reposer, même si cela semble encore impossible.
« ... je me sens tomber très lentement dans la fièvre et le cauchemar comme le serpent en été se laisse glisser dans l’eau fraîche. »
On voudrait parfois faire revivre aussi bien que faire disparaître, avec le même désir affamé, la même méfiance envers une quelconque résolution. Oublier peut-être ce qui a été, mais non sans en conserver la saveur de poison. Il est ici question d’amour, de corps, de sexe, c’est une écriture de l’incarnation, belle, qui se déroule comme au son d’une flûte.
« Tu dors contre moi. Et moi qui chaque matin éveillé très tôt je reste immobile je ne respire presque pas j’attends que les heures passent et doucement halluciné je ne fais aucun bruit. »
Certains ont parlé de thriller poétique à propos de ce texte, on pourrait dire : brève chronique en fragments, cliniquement sensible, suave comme un rapport amer.
La jeune autrice de ce livre, Esther, semble avoir mené maintes vies avant que de lancer son bref et premier opus très réussi à la tête des gens. Elle ne transige pas, elle est directe comme un coup donné, un coup caressant comme un murmure en éclats. Et ce n’est qu’un début. Il faudra guetter les suivants.
Aller au fond, l’été est publié par Le Sabot, une revue qui s’ouvre à l’édition et commence à se faire un nom par son indépendance et le choix de ses modes d’action comme des complices qu’elle se choisit.
Jean-Claude Leroy
Esther, Aller au fond, l’été, (illustrations : Makeda), éditions Le Sabot (Coll. du Seum), 2022. 40 p. 8 €.
Sur le site des éditions Le Sabot