« Le poète doit imposer au Moi le plus complet silence, afin que le Soi impersonnel, qui se situe bien au-delà de la conscience, se puisse faire entendre. L’inspiration dernière de l’artiste n’est pas individuelle mais universelle. [...] La Parole Native qui traverse le poète, lorsqu’il est vraiment en « état de grâce », et se sert de lui comme d’un instrument, c’est l’Esprit Universel dont parlent les alchimistes. » (p. 110)
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« Lorsque, vers 1950, je changeai d’orientation et décidai de me consacrer aux Lettres, ma véritable raison d’être, il devint également impératif que je gagne ma subsistance. J’étais alors à Paris et je fréquentais assidûment André Breton avec qui je devins ami. Sur ses conseils et grâce à son intervention, je pus obtenir un stand à Biron, la grande allée du Marché aux Puces de Saint-Ouen. Ma compagne s’occupait principalement de vendre les antiquités tandis que, « chineur » passionné, de même que j’avais autrefois fouillé la terre à la recherche de fossiles étudiés ensuite avec application, j’étais toujours en quête d’objets divers, insolites ou rarissimes. Aidé par cette très vive attention portée aux choses, qu’avaient aiguisée les sciences naturelles (et que, sans doute, venaient compléter mon insatiable curiosité et mon goût - quelque peu malicieux - de l’érudition), je réussissais à découvrir, enfouis dans l’immense fouillis du marché en plein air, de précieux bibelots, des livres anciens et recherchés, des dessins et tableaux d’une valeur parfois très grande. A cette époque, heureuse mais hélas bien lointaine, les trouvailles de cette sorte étaient encore possibles.
Mon souhait le plus cher est qu’une telle démarche exigeante, attentive aux plus infimes détails, ayant donc comme visée de parvenir à une « essentielle précision », soit l’une des caractéristiques de mes poèmes ! » (p. 219)
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« J’ai participé de nombreuses années à l’activité du groupe [surréaliste], une très profonde amitié m’a lié à Breton, mes textes participent d’un certain « climat » surréaliste puisque l’emploi irrationnel de l’image est l’un de mes procédés d’écriture. Pourtant, je n’ai jamais recouru à l’écriture automatique, laquelle n’est, le plus souvent, qu’une transcription de cette frange des plus troubles de l’inconscient. Mes textes sont obtenus par une lente maturation, une décantation progressive. Ils s’édifient généralement à partir d’une sorte de « structure en creux » qui m’apparaît bien avant que ne s’y coule le Verbe. » (p. 110-11)
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« Tous les mots m’apparaissent comme des pierres précieuses. De manière à ce que l’ensemble de leurs propriétés soit exalté, il faut les enchâsser avec grand soin dans la monture des phrases. C’est là aussi une pratique enthousiasmante et stimulante qui forma l’axe primordial de mon être. » (p. 244)
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« Le texte poétique est la plus parfaite concrétisation de l’art du langage. L’acte verbal est ici à son sommet de plénitude. Cette pratique délicate et exigeante consiste tout d’abord à trouver le point d’équilibre entre l’abandon aux puissances du verbe et la maîtrise de ces mêmes puissances. Ensuite, il convient d’adhérer au dynamisme produit par l’assemblage subtil des mots. Un tel élan conduit à une connaissance par intuition résultant d’une participation émotionnelle dont les prolongements sont plus certains que ceux du seul intellect. L’harmonie qui en résulte fait apparier les opposés et montre que ceux- ci ne sont que des complémentaires ; en effet, ces antagonistes se rencontrent, s’entremêlent et finissent par ne plus faire qu’un. Ainsi est donc ouverte la voie pointant vers l’unité suprême qui est présente sous l’imbrication de toutes choses et d’où tout découle. Un des moyens employés est particulièrement l’image qui fait appel à l’analogie, aux correspondances. Grâce à son extrême condensation, elle atteste l’union du microcosme et du macrocosme. » (p. 245)
Elie-Charles Flamand, Propos mosaïqué – 2009-2016 (extraits)
(source)
Proposition de Jean-Nicolas Clamanges
Élie-Charles Flamand, né le 25 décembre 1928 à Lyon et mort le 25 mai 2016 à Paris, est un poète et écrivain français.
Propos mosaïqué est paru en version papier aux Éditions La Lucarne Ovale en 2021. Poezibao avait publié en 2015 une note de lecture de Julien Starck sur deux ouvrages du même auteur parus également à La Lucarne Ovale.
Photo, Elie-Charles Flamand avec André Breton à Saint-Cirq-Lapopie, 1958 (source)