Sur le fil de l’arbre
Tu peux choisir ton arbre
même au bout du domaine
même le dernier de la liste
peuplée d’amis de feuilles
et de feuillage
Fais donc !
si ce sont
les clochettes bleues du paulownia
qui dissipent ta méfiance envers
les mots comestibles
et que tu attends la nuit
(son tour de manège)
(son bruit de crécelles)
pour goûter
leur bon sens
Mais si tu préfères
les filles du groupe B
tombées net d’autres cosses
n’hésite pas à t’enterrer
comme un petit marron de cour
de récré
future jeune pousse
sachant parler aux filles
aux filles, à toutes les femmes
ou seulement à celle qui
enroulant les hauteurs du chemin
gommant les graffiti d’écorce
et faisant vibrer son nom secourable
– l’Abeille Vorle –
bourdonne en signe de bienvenue
Entre donc
Amy Lecteur*e
dans la communauté des arbres
n’aie pas peur
que ceux-ci évacuent l’intrus
n’aie pas peur
d’être le funambule
cap’ de filer
du cytise de Schwitters
à l’olivier de Benjamin
des chênes de Lipica
au banyan de Merville
n’aie pas peur
car malgré ces hauts fays
tu seras exclu*e
pfuit
du renom funéraire
N’aie pas peur, non
puisqu’un bienveilleur
dans la canopée
extrayant le poison
des choses usées
et ne demandant rien
en échange
surtout pas de mots corrompus
t’offre, toutes branches déployées
l’exil du regard
et la vague sourde
le nom de l’espèce
et la grenade verte
l’âme de Jung
et le peuplier foudroyé
la cloche fêlée du soir
et la mise au secret
la houle du vent
et le grand boucan
des troupes volatiles
le héron cendré
et le brochet soigné
au mercurochrome
bref
l’orage
et le désir
l’appel du duramen
et les sylves sonores
l’icône miraculeuse
l’odeur graminée
l’arbre à papillons
et même le mot de la fin
en guise d’absolution
pour toi
pie voleuse de Palabre :
la poésie extralégale
Eric Villeneuve, d’après Patrick Beurard-Valdoye
Patrick Beurard-Valdoye, Palabre avec les arbres, Corti, 2021, 78 p., 15,50 €