Aurélie Foglia publie Lirisme aux éditions Corti.
La poésie n’est pas
racontable
intrigue
c’est un fait
le compact de la prose ne me fait pas
l’effet physique des vers
c’est quelque chose qui fait
quelque chose
/
c’est chant la poésie
n’a plus ses règles depuis
plus d’un siècle
rajeunissant d’être peut-être
à force d’être
moins répandue que les
mots en général
tu parles sur le tard d’une
technique éculée ou plutôt
d’un art mis au point du
lingus
dans ce goût-là
/
je dis juste
qu’un poète
sert à s’enrichir
initie à ce que vous savez
avec son spray
montre comment
jouir sur une fleur
se rendre compte
d’un gravier
depuis votre avion
/
j’y vois comme vous
et moi la myopie guette
sous les phrases voyantes des choses
sont là mais on ne me voit pas à travers
vue que je donne à voir l’œil
qui est derrière mon regard devient le vôtre
un livre s’y prête
les pins grimpent comme des écureuils
une table fait planche
sous le cèdre ciel
soudain toutes les fleurs on sent
qu’elles sont faites pour
se recueillent à la source d’être pas
sagères attention les heures sont
aux manettes
il est rare qu’une fleur s’élève
à la hauteur d’un arbre est trop loin
de la mer pour l’imiter
même s’il stagne étincelle sur place
eau en faux feu
dans son lent balancement approchant
lire serait lancer une passerelle à temps
pour sauter
mettons tout ce qui tient du pont entre
coupé
/
il n’y a pas de mots pour tout
il n’y aura pas assez de mots pour tout
le monde
même si certaines peuvent faire double
emploi la poésie remédie comme elle peut
la pauvre qui vole à pied
voilà ma chasse aux choses est
presque finie je
ramène de quoi meubler le blanc
mendiant au lecteur son histoire
d’éclairer un peu le moment
le soir la lumière n’a pas su
Aurélie Foglia, Lirisme, Editions Corti, collection domaine français, 2022, 208 p., 19€, p. 93-97
Sur le site de l’éditeur
« Lirisme » s’écrit ici avec deux i : non, il n’y a pas de coquille laissée dans le titre. Voici un livre de la lecture. Ni noms ni œuvres : le parti pris de ces pages n’est pas celui de la réécriture ni du répertoire. Ce que Lirisme invite à ausculter de poème en poème, c’est une culture du livre, et son impact.
Ce néologisme, lirisme, propose donc de déplacer la question de l’ancien lyrisme avec y et sa nébuleuse romantique vers une théorie de la réception contemporaine. Si l’instrument du livre chante encore, c’est une autre musique. Quel rapport se noue à l’auteur ? Comment entrer dans un livre ? Faire sien un récit ? S’identifier à un personnage ?
Même s’ils ont tendance à devenir plus rares et moins actifs, les microorganismes que sont les livres restent inscrits dans nos corps. Ces dispositifs offrent des formes de vies illimitées, aussi vastes, variées et vraies que fictives. Ils nous apprennent et nous parasitent. Ce sont de formidables distributeurs d’expériences.