"Lectures" poésies du cri par Alain Marc : 9
Pierre Guyotat (derniers
livres jusque Progénitures) : boue verbale, la voix qui n'arrive plus à articuler, chaos, bouillon,
clapots, brouhaha.
(au Grand auditorium de
la B.n.F.)
©Alain Marc
Pierre Guyotat (derniers
livres jusque Progénitures) : boue verbale, la voix qui n'arrive plus à articuler, chaos, bouillon,
clapots, brouhaha.
(au Grand auditorium de
la B.n.F.)
©Alain Marc
« ... ce début d'Une mort
toujours enceinte qui possède ô
combien de force et que je considère comme étant proche du cri. [...]
Vous comprenez là, ce que vous ne voyez
peut-être pas de l'intérieur, pourquoi je sépare les deux premières parties du
premier opus d'Une mort toujours enceinte du reste de votre œuvre [...] Un certain parlé
franc, une position du poète, par rapport au lecteur, qui se met plus en avant,
à découvert, qui ose, plus - quand la tension est trop forte - et laisse au
vestiaire, l'en-place du langage intrinsèque, codé, qu'a installé petit à petit
l'histoire de la poésie. »
(Extraits d'une deuxième
lettre à Pierre Garnier).
©Alain Marc
« c'est en découvrant
votre premier tome d'Une mort toujours enceinte (surtout les deux premières parties - coll. "Liberté
sur parole", éd. Corps puce, Amiens, 1er trim. 1994) , que l'envie m'est
venue [...]
[...] "litanies", qui avancent
lentement, lourdes, et charrient tout le repentir. »
(Extraits d'une première
lettre à l'auteur).
©Alain
Marc
Abdellatif Laâbi, dans ses poèmes longs, ou ses suites de poèmes. La répétition
: le martellement.
©Alain Marc
Abdellatif Laâbi, dans
ses recueils de poèmes, à l'intérieur même de ces poèmes :. Laâbi est issu du
Maghreb. D'où le, les contes.
©Alain Marc
La poésie d'Abdellatif
Laâbi. On pense parfois aux mécanismes de la Bible (revisitée) : des vérités
sont posées, comme des proverbes, en fragments de vérités humaines.
©Alain Marc
Le Sens du combat, Suite : sous une musique innocente (et son air
de timide...), Michel Houellebecq remue les choses les plus profondes.
©Alain
Marc
Je lis la première partie
du recueil de Michel Houellebecq le Sens du combat (Éd. Flammarion, mars 1996). Et je me dis. 1.
(Lisant les premiers poèmes, me rappelant de la musique de l'auteur lors de sa
lecture au Cercle de minuit. Aimant énormément.) Mais ce sont des alexandrins !
2. (Lisant les poèmes qui suivent.) Étonnant ces textes sur la chair et les
organes du corps. 3. (Lisant les poèmes qui suivent les précédents.) La mort
est présente, elle rode dans de nombreux poèmes.
Je me dis encore. Ce
recueil est composé par cycles : cycle 1, cycle 2, cycle 3.
©Alain Marc
(… La poésie. De , de .) et celles de Benjamin Fondane, de Michel Houellebecq, d'Abdellatif
Laâbi.
Les présentes
"lectures", ou plutôt "instants" (voir les deux parutions du « Journal de l’instant
» ainsi que les "lectures" de Duras parues dans la revue-magazine le
Bord de l’eau en 1996), sont un aparté d’Écrire le cri, une suite, un autre éclairage. Sur, à partir de
Benjamin Fondane (Écrire le cri donne la liste des œuvres du cri du poète roumain), sur la poésie de
Michel Houellebecq (toujours aussi peu présente dans les institutions
poétiques…), sur la poésie d’Abdellatif Laâbi, notes écrites pendant la
conception de l’entretien « le Martèlement du poète, Rencontre avec Abdellatif
Laâbi » paru dans la revue Europe
(numéro Nazim Hikmet, juin-juillet 2002), sur la poésie du cri de Pierre
Garnier - et oui…, découverte récemment -, qui fut le déclencheur d’une lecture
plus approfondie de sa poésie "linéaire" témoignée dans les
"Lectures poétiques" parues au sein de Poezibao en décembre 2005, et enfin, de l’écriture
Guyotat.
AM
Les poèmes de Paysages de Benjamin Fondane (poèmes 1917-1923, édités en
Roumanie en 1930, rééd. trad. Odile Serre dans le Mal des fantômes précédé de Paysages, Paris Méditerranée/l'Éther Vague Patrice Thierry
Éditeur, avr. 1996) : comme toujours, disent autre chose que ce qu'ils disent
au premier abord. « Mais que cherchait Benjamin Fondane en écrivant ces
paysages ? Lui qui n'a cessé de chercher à écrire le cri », serait une question
intéressante.
©Alain Marc
En préambule à une
nouvelle série de notes de lecture proposée par Alain Marc, je publie cette
Introduction aux "Lectures" qu'il a rédigée pour expliciter sa
méthode et son projet.
FT
Il faut lire les notes dans leur ensemble : non pas une par une.
Chaque note est une idée, une phrase, point. (Fuir absolument tout,
développement. Garder ne garder, que la première,
trace.)
Une note n'est jamais une note qui se suffirait à elle-même. Elle est là en
déclencheur, afin de susciter, une lecture plus approfondie de la part du
lecteur.
Un flash, une sensa
tion.
L'idéal, serait de n'y faire aucune retouche (penser aux "retouches"
de Daniel Boulanger * )
Seulement, de les assembler, les unes après les autres, auprès, d'une,
d'autres.
* Tiens, encore une superbe démarche poétique qui ne trouve plus aujourd'hui,
aucun écho, dans la "presse" de la poésie française...
©Alain Marc
À propos de la
Justification de l'abbé Lemire de Lucien Suel (éd. Mihàly, Genevilliers,
déb. 1998) :.
(Lettre à Lucien
Suel.)
« J'ai eu
l'occasion ce dimanche de feuilleter ta Justification (comme quoi...) et
ai beaucoup aimé. Bravo pour ce formidable travail technique, et aussi : j'aime
la poésie narrative. Également repéré quelques passages assez forts... »
©Alain Marc
Et moi qui
croyait dur comme fer que ces dessins et petits mots attachés (de Pierre
Garnier), étaient, faisaient office d'entêtes de "chapitres"... Une
fois encore, avec Viola tricolor (édition bilingue français/allemand,
coll. « Sources », éd. En Forêt/Verlag im Wald, avr. 2004),
Pierre Garnier chamboule nos réflexes, et idées préconçues, et joue avec
(nous) :
le
"titre", vient après la fin du poème, le reprenant (« Kein
Licht ohne Feuer », p.15), ou vient avant même la répétition
intérieure du titre de couverture, c'est-à-dire, du titre même du... recueil !
©Alain Marc
À Pierre
Garnier :
« ... Il
se fait que j'ai découvert depuis très peu de temps vos écrits (que depuis
quelques mois), et qu'ils m'ont marqué. Vous êtes un grand, un très grand
poète. Et je trouve que l'on ne parle pas assez de vous et surtout, de votre
poésie dénommée "linéaire". Vous avez créé un style, une œuvre,
quelque chose qui n'a jamais, avant vous, été tenté, et pensé. Loin, bien loin
des "avant-gardes" poétiques. »
* *
Et, à
nouveau, mais précisant encore...
« je
suis parfaitement conscient, vous lisant, que les deux [côtés de votre œuvre]
ont l'air pour vous entièrement confondus, et inséparables. Le signe, la
vision, reste le même dans vos deux chemins. Tantôt c'est le visuel, tantôt ce
sont les mots le décrivant, décrivant cette vision perçue, aperçue, où les
deux, l'image et le sens semblent confondus, un peu à la manière du calligraphe
arabe. »
(Extraits
d'une troisième lettre à Pierre Garnier, pour finir non envoyée...)
©Alain Marc
Pierre
Garnier n'arrête pas de relever les similitudes visuelles, de mouvements, comme
toute autre, toutes les similitudes entre un monde et un autre, une époque et
une autre, de bond en bond, d'un premier souvenir à un deuxième souvenir. Les
longs poèmes de Pierre Garnier avancent de répétition en répétition et
installent comme une certaine "ritournelle". Aussi le passage du
discours à la langue, que Pierre Garnier appelle le « poème »
— pont de l'un à l'autre, jeu du passage, entre l'écriture, son produit (sa
production), et l'écrivant se regardant l'effectuer, entre l'extérieur du poème
et son intérieur — en train de se faire. Dans ses livres il y a encore, au
niveau purement formel, la non distinction franche entre un poème et celui qui
le suit. C'est alors le sens, la tête du lecteur, qui "sent" s'il est
passé de la fin de l'un, au début de l'autre. Ce que j'appelle l'ésotérisme de
Garnier, se loge dans le passage à l'intérieur de la phrase, entre un monde et
un autre, qui produit un décalage, légèrement incompréhensible, très
légèrement, sur l'abord de la première lecture. Une phrase commence : le
lecteur est ancré dans un endroit, et au(x) mot(s) suivant(s), ce dernier est
transporté ailleurs, dans un ailleurs qu'il n'aurait jamais imaginé au début de
cette même phrase. Par la surprise, donc. Et la douceur, chaude, de la beauté
qui en émane.
* *
Garnier
: le poète de la perte.
©Alain Marc
Dans
l'Immaculée conception, je sépare les parties "ésotériques"
des "romantiques", par le réflexif ou de simples "moments",
le rêve, le fantastique, pour les premières, et le récitatif, le regret (pour
la partie qui suit la page 94) pour les deuxièmes.
©Alain Marc
Pierre
Garnier remet à jour la pensée grecque qui reliait dans un même ensemble
l'idée, la réflexion, et la vision, de l’œil (il y a de nombreux points communs
entre la poésie "linéaire" du poète, et sa poésie visuelle).
©Alain Marc
Les
Poèmes de Saisseval et l'Immaculée conception, de Pierre Garnier
(parus pour les premiers sous le titre Poèmes de Saisseval, Eine Endere
Zeit, Eine Chronik, aut. 1992-déb. d'hiv. 1993, éd. Atelier Verlag
Andernach, Andernach, Allemagne, 1993, rééd. bilingue français/anglais sous le
titre Poems of Saisseval, trad. Alex Fischler, éd. Black Hat Press,
Minnesota, USA, 1995, à reparaître bientôt aux éditions la Vague Verte, et éd.
bilingue français/allemand En Forêt/Verlag im Wald, coll. « Sources »,
nov. 2001, pour le second livre) : suivent le même mouvement, que les premiers
livres recensés.
©Alain Marc
Pierre
Garnier, poète symboliste. Le symbole. Pierre Garnier est un poète visuel : le
visuel est plus qu'important, dans sa poésie "linéaire".
©Alain Marc
Chez
Garnier, il y a également beaucoup
de fantastique.
©Alain Marc
« Je
lis et relis [...] Car nous vivons et mourons si peu, et me régale,
cherche à comprendre ce léger fil qui semble tenir le déroulement de sa voix,
fil mystérieux encore pour moi. Je reste séduit, tout en ne comprenant pas les
mécanismes, le mécanisme mis en jeu, qui soutient la légèreté sur une longue
période sans apporter d'ennui. Il y a bien ce joli mot-dessin de "melancolia"
sur la couverture, dont on souhaiterait de premier abord qu'il donne une piste,
mais qui s'avère bien vite non satisfaisante. Puisque se dérobant aussitôt sous
la question. »
(Début
d'une deuxième lettre à Pierre Garnier.)
©Alain Marc
Le
poème Garnier (par exemple, Car nous vivons et mourons si peu, édition
bilingue français/allemand, coll. « Sources », éd. En
Forêt/Verlag im Wald, Rimbach, Allemagne, avr. 1999) : le ton de la
conversation.
©Alain Marc
Pour
Pierre Garnier.
« ...
Du coup, j'ai également découvert votre superbe Car nous vivons et mourons
si peu.
[...] Les textes que je retiens de vous
appartiennent à la poésie narrative [...]. Le narratif, mais aussi le souvenir,
la réflexion métaphysique [...].
J'aime retenir, pour vos textes, le mot de
"litanies" [...] Vous nommez votre entreprise "une
chronique". [...] je pense afin de marquer une même continuité »
(extraits
d'une première lettre à l'auteur).
©Alain Marc
La
joie des retouches, de Daniel Boulanger, qui sont tour à tour du cri,
romantiques, ésotériques ou surréalistes.
©Alain Marc
On
peut essayer de compartimenter l’œuvre de Franck Venaille dans des catégories
extérieures comme poème, poème en prose, récit... On s'aperçoit alors à un
moment qu'il y a continuité, passage en douceur de l'une à l'autre, que
Venaille pousse, et déjoue tellement chacune d'entre-elles, que l'on passe en
douceur de l'une à l'autre, qu'il y a du récit dans le poème en prose (Noire
: Barricadenplein), du poème en prose dans le récit (la Guerre d'Algérie),
du récit dans le poème (poèmes de la Guerre d'Algérie)...
©Alain Marc
Jean-Paul
Michel, « Monemvasia, 19.08.96 » : outre un certain ton enlevé
(emporté), le jeu du titre-citation, de la référence précise en fin de poème
(date, lieu...), des majuscules-milieu de vers, troublant parfois de similitude
entre le point omis de fin de phrase et l'accentuation. Mais aussi : le recours
à l'italique. Donc, du rythme, et de l'oralité (poème « "Défends-toi,
sublime Beauté du monde donné !" », la Nouvelle revue
française n° 551, sept.1999,
p.155-156).
* *
Jean-Paul
Michel, « Monemvasia, 19.08.96 ». Également tordre les usages
de la ponctuation.
©Alain Marc
William
Cliff ? (L'entendant lire ses textes (dans ce film passé, début mai 1997 ?, sur
Arte où le poète évoque la mémoire de son ami écrivain Conrad Detrez —
lecture de ses livres Autobiographie et Conrad Detrez parus aux
éd. la Différence respectivement en 1993 et en 1990) :. Le narratif.
©Alain Marc
Journal
d'un innocent de William Cliff suite.
La
forme semble être un prétexte, devant le décalage syntaxique. Il y a décalage
entre le dire et la forme, qui n'est qu'illusion. La forme adoptée ? Seulement
pour hacher le dire. (La phrase commence au milieu d'un vers et se termine au
milieu du suivant, commence au milieu du dernier vers d'un dizain et se termine
au milieu du premier vers du dizain suivant.) N'est que visuel. (Et poétique,
et oral puisqu'il y a découpe du dire.) La seule imposition, la seule nécessité
: la rime, le dizain.
* *
Journal
d'un innocent de William Cliff suite.
A
la lecture, si on respecte la rime (et la pause qu'elle sous-entend) : ça casse
le sens. Et très vite, on ne comprend plus. La lecture devient alors un duel
entre le sens et la forme, par perturbation-contamination de l'un sur l'autre
(et vice et versa). Alors le texte impose de tenir les deux bouts : celui du
sens et celui de la forme, de la rime.
©Alain Marc
Journal
d'un innocent de William Cliff suite.
La
forme : le dizain décasyllabe (10x10). Il faut noter le singulier du titre de
genre sur la couverture : « poème ».
Chaque
dizain porte un numéro, ce qui accentue l'indication détournée du poème découpé
en autant de parties. Surtout qu'aucun poème ne commence par une majuscule.
D'où l'impression, détournée, que chaque poème est la suite du précédent.
Narratif,
d'où l'obligation pour William Cliff du découpage en plusieurs mouvements :
intitulés « Hiver 1992 », « Printemps 1993 (1) »,
« Printemps 1993 (2) »...
©Alain Marc
Journal
d'un innocent de William Cliff suite.
Ce
qu'on évalue n'est plus le poème, mais l'évolution du poème. (Après la fin de
la lecture de la partie intitulée « Interlude ». J'avais noté
au milieu de cette lecture : "très narratif".)
©Alain Marc
Journal
d'un innocent de William Cliff (« Collection blanche », éd.
Gallimard, mars 1996) : étrange flottement entre le journal et le poème. On
passe soudain du poème rimé à dix vers, le dizain (forme rendue forte par l'art
de William Cliff), numéroté et bien distinct, clos sur lui-même, à un même
poème qui déborde et s'étale sur trois dizains : « sonner leurs bruits
les autos dans les blanches » (dernier vers du poème 34), « nuées
que poussent sur notre contrée » (premier vers du poème 35), et « qui
s'unissant feront que se refasse » (dernier vers du poème 35), « l'araignée
horrible dont les mâchoires » (premier vers du poème 36). Il y a
glissement, débordement, du texte sur la forme, pollution du journal — et du
narratif qui jaillit soudain — sur le poème, dans un combat (ou plutôt un
laissé aller, une prise de liberté) entre le dire et le dit, entre le dit et la
forme.
©Alain Marc
Refeuillette
le Pêcheur d'eau de Guy Goffette. Trouve d'innombrables parenthèses, sur
un vers, sur deux vers, sur plusieurs vers, dans plusieurs titres de poème. Et
de me dire : qu'il faudrait étudier la fonction de la parenthèse dans la poésie
de Guy Goffette.
©Alain Marc
Contrepoint de Poezibao
Ce qui me renvoie à la pratique de la digression chez Jacques Roubaud. Un de ses tout derniers livres parus Tokyo infra-ordinaire (nouvelle édition augmentée, Inventaire/invention, 2005) est à ce titre un exercice vertigineux. Mais cela ne nous dit pas la fonction de la parenthèse chez Goffette pour autant, il s'agit juste ici d'une sorte d'écho ou oui, de contrepoint, j'aime décidément ce terme qui laisse supposer le "travail" conjoint de deux voix ou plus, dans la fugue, jusqu'à la résolution. Laquelle est sans doute impossible....
La
poésie de Meschonnic : la beauté du dire au service de l'amour, mais aussi au
service de l’innommable, de ce qui ne peut se dire.
©Alain Marc
Après ses "lectures de Bernard Noël", Alain Marc propose une nouvelle série de lectures poétiques.
Je l'en remercie d'autant plus chaleureusement qu'il aborde de nombreux poètes qui ne sont pas (encore) présents sur Poezibao.
FT
Ces
"lectures" — comme les "lectures" de Bernard Noël — sont
aussi des "instants"…
Interrogations
sur l'écriture. Instants, de réflexion. Parfois tout simplement, une mise, en
relation. Journal de l'instant, instants d'un journal. Collecte. Instants,
plongé dans. Et parfois, dans un moment très bref, vision de l’œuvre.
L’œuvre
poétique de [...] Meschonnic. [...]
dans un jeu de références croisées. Le vrai visage de la poésie de ces poètes
sans l'habituelle déformation. De la critique, des […]. Et des poètes eux-mêmes
! Mais aussi
La poésie. De Guy Goffette, de William Cliff, Jean-Paul Michel, Daniel
Boulanger, Pierre Garnier, etc.,
Je
lis ce très beau recueil de poèmes de Guy Goffette, après l'avoir feuilleté en
librairie, et attrapé l'irrésistible envie de plonger plus profondément dedans.
le Pêcheur d'eau (« collection blanche » éd. Gallimard,
déc. 1994). Il faut y remarquer ce deux-points : « ais l’œil prêt à ce
qui doit venir/tôt ou tard, n'importe : qui viendra,//étant donné le
point d'origine, l'axe, » (poème Faux départ, p.20). Cette
interruption : « .., Colomb ou -/Penser cela ici,... »
Cette parenthèse qui s'ouvre et ne se ferme que plusieurs page — et
plusieurs poèmes — après : « Et dire que le printemps pour
nous/... » (deuxième poème de la suite Chantier de l'élégie,
p.29) ... « ... otage du temps et de l'ennui) » (avant
dernier poème de la série, p.36). Cette homophonie (beaucoup plus facilement
remarquable — et utilisé en poésie) : « et la soif, et la mer,/l'amer
visage du monde,... » (fin du quatrième poème de la même série, p.34).
C'est aussi cela, la poésie.
©Alain Marc
index des
"Lectures" de Bernard Noël par Alain Marc
"Lecture"
de Bernard Noël 1 (premier tour d’horizon)
"Lecture"
de Bernard Noël 2 (écriture de Bernard Noël)
"Lecture"
de Bernard Noël 3 (le 19 octobre
1977)
"Lecture"
de Bernard Noël 4 (écriture de Bernard Noël)
"Lecture"
de Bernard Noël 5 (écriture de Bernard Noël)
"Lecture"
de Bernard Noël 6 (écriture de Bernard Noël)
"Lecture"
de Bernard Noël 7 (écriture de Bernard Noël — retournement)
"Lecture"
de Bernard Noël 8 (le Roman
d’Adam et Eve)
"Lecture"
de Bernard Noël 9 (le Roman
d’Adam et Eve)
"Lecture"
de Bernard Noël 10 (le Roman
d’Adam et Eve et le 19 octobre 1977)
"Lecture"
de Bernard Noël 11 (le Syndrome
de Gramsci, la Maladie de la chair,
le Roman d’Adam et Eve)
"Lecture"
de Bernard Noël 12 (le Roman
d’Adam et Eve)
"Lecture"
de Bernard Noël 13 (le Syndrome
de Gramsci, la Maladie de la chair)
"Lecture"
de Bernard Noël 14 (écriture de Bernard Noël — intérieur/extérieur)
"Lecture"
de Bernard Noël 15 (la Maladie de
la chair — Georges Bataille)
"Lecture"
de Bernard Noël 16 (titres, Maurice Blanchot)
"Lecture"
de Bernard Noël 17 (écriture de Bernard Noël — Georges Bataille)
"Lecture"
de Bernard Noël 18 (titres, "espace", la Maladie du sens)
"Lecture"
de Bernard Noël 19 (les monologues de Bernard Noël)
"Lecture"
de Bernard Noël 20 (les monologues de Bernard Noël)
"Lecture"
de Bernard Noël 21 (les monologues de Bernard Noël)
"Lecture"
de Bernard Noël 22 (Georges Bataille)
"Lecture"
de Bernard Noël 23 (écriture de Bernard Noël)
"Lecture"
de Bernard Noël 24 (la Maladie du
sens)
"Lecture" de Bernard Noël 25 (écriture de Bernard Noël)
Le grand mérite de
Bernard Noël est d'avoir inventé ce que certains nommeraient une poétique,
disons plus simplement, une écriture. Qui est une certaine façon de parler, en
utilisant l’image, bien particulière, qui est bien personnelle, façon de parler
qui se retrouve dans tous ses écrits qu’ils soient poèmes, récits, théâtre, ou
même, correspondance. C’est un style. Mais plus qu’un style, et une façon de
parler, donc, on a bien à faire à une façon de penser, et de voir le monde, en
un mot — et là réside indéniablement la spécificité du travail de Bernard Noël
par rapport à un grand nombre d’écrivains —, à une certaine façon de vivre,
l’Être, dans, et face, au monde…
©Alain Marc
« J'ai pensé, lisant Insel ou
portrait de l'artiste en tête de mort - Mina Loy, 1936-53, trad.
Olivier Apert, coll. « Comme » que dirigeait Bernard Noël à l'Atelier des
Brisants, Mont de Marsan, sept. 2001 -, à votre Maladie du sens : la proximité temporelle de leur sortie, me
parut soudain... »
(Préparant une future
lettre à Bernard Noël — point non envoyé.)
©Alain Marc
La phrase de Bernard Noël
: soudain, « sa puissance de condensation, sa force dans la concentration
évocatrice, par le résumé elliptique (et métaphysique) »,
(essayant de définir, à
Bernard Noël, sa phrase, par rapport et en similitude à celle d'autres
écrivains.)
©Alain Marc
Une phrase comme, "il me
communiquait sa douleur, ou plutôt l'excès de sa douleur et c'était justement
ce que je cherchais, non pour en jouir, mais pour ruiner en moi ce qui s'oppose
à la ruine", de Georges Bataille (L'Expérience intérieure, éd. Gallimard,
1943, rééd. OC tome V p. 140), sonne également très, Bernard Noël...
©Alain Marc
Le Syndrome de Gramsci, la Maladie du sens... : il y a une sensation hypnotique, qui se
dégage à la lecture de ces monologues.
©Alain Marc
La Maladie du sens, de
Bernard Noël : trouver les mots pour nommer le Néant, également appelé le Rien,
l'impalpable, le silence, « ce nouvel espace qui est l'envers du langage. »
Visitation, contemplation : la Connaissance. Livre admirable, sur la création,
et l'indicible
— après avoir lu la
première moitié du récit.
* *
« Nous vivons dans un
champ où bataillent lumières et ténèbres. Les lumières aveuglent : on ne voit
rien ; les ténèbres confondent : on ne voit rien. Comment voir, pourquoi ces
lueurs, pourquoi ces ombres, pourquoi ce jeu de blanc et de noir ? [...] Le
monde joue-t-il à n'être et à n'être plus ? » (Pierre A. Riffard, introduction
de son essai l'Ésotérisme, coll. « Bouquins », éd. Robert Laffont, mai 1990,
p.1) La Maladie du sens : également un livre sur le voir...
* *
La Maladie du sens, de
Bernard Noël : le sujet est ardu, et peut paraître difficile à ceux qui
n'arrivent pas à capter toutes les « scintillations », pourtant bien présentes,
et en permanence, autour de nous.
* *
Les monologues de Bernard
Noël (sauf peut-être la Maladie de la chair...) : narrations immatérielles,
paroles qui planent dans l'espace. Permet d'approcher, d'“éplucher”, en un mot,
d'épuiser, son sujet.
©Alain Marc
Cette impression de perpétuel présent, de récit qui avance tout en restant dans le temps présent, dans l'instant mental. Lisant ces monologues (le Syndrome de Gramsci, la Maladie de la chair, la Langue d'Anna, la Maladie du sens), je reste troublé, et séduit.
©Alain Marc
Bernard Noël : les titres se croisent, sur des œuvres qui ne se ressemblent pas. L'Espace du désir / l'Espace du poème (auxquels on peut joindre le dernier Espace du sourire), la Maladie de la chair / la Maladie du sens —— respectivement éd. l'Écarlate, les Entretiens avec Dominique Sampiero, éd. P.O.L, collaboration avec Olivier Debré, Médiathèque de la ville du Mans ; coll. « Petite bibliothèque Ombre » n°50, Ombre, et éd. P.O.L. Pour mieux brouiller les pistes ? Pour renvoyer un livre à l'autre et montrer, contre toutes les classifications, que l'œuvre forme un tout indissociable ?
* *
Lisant cette Maladie du sens de Bernard Noël, envie de dire :. « C'est beau ! On dirait un opéra, un chant, une oraison. Mais aussi une complainte, une prière. »
©Alain Marc
Il y a du ma Mère (de Georges
Bataille) dans le Château de Cène de Bernard Noël : mêmes inflexions de
phrases, mêmes sensations qu'apporte le verbe. (Lisant ma Mère de
Georges Bataille.)
©Alain Marc
Les titres de récits « le Dernier
mot », et au Moment voulu, de Maurice Blanchot, ainsi que les
titres de l'ouvrage, pour le premier, dans lequel il a été publié, le
Ressassement éternel, repris dans Après coup (respectivement
1935-1936 et 1951, tous les deux publiés en 1951, le premier aux éd. de Minuit,
et le deuxième chez Gallimard, rééd. en poche dans la coll. « l'Imaginaire »),
sonnent vraiment, très, Bernard Noël !
©Alain Marc
« Ce qui m'abat davantage : avoir vu, un grand nombre de fois, chier mon père. Il descendait de son lit d'aveugle paralysé [...]. Il descendait péniblement (je l'aidais), s'asseyait sur un vase, en chemise, le plus souvent [...] ([...] mal soigné [...], regardant fixement à vide). Il arrivait que les “douleurs fulgurantes” lui arrachent un cri de bête, élançant sa jambe pliée qu'il étreignait en vain dans ses bras. » Toute la Maladie de la chair est dans cette note du recueil de Georges Bataille (Le Petit, 1943, publié sous le pseudonyme de Louis Trente, rééd. Œuvres complètes. Tome III « Œuvres littéraires », « Collection blanche », éd. Gallimard, 1971, p.60).
©Alain Marc
Intérieur/extérieur — « qu'en vous racontant, comme je l'ai fait, les choses extérieures », la Maladie de la chair page 81, mais aussi le Syndrome de Gramsci, mais aussi le « premier dialogue extérieur » du 19 octobre 1977 : recherche de l'identité, une nouvelle fois, de ce qui se passe en soi.
©Alain Marc
Le Syndrome de Gramsci est également un récit sur la maladie. Il met en scène une maladie hypothétique de l'âme. Où la Maladie de la chair serait une intensification du Syndrome de Gramsci ? Après avoir fouillé la maladie de l'âme, la Maladie de la chair fouille la maladie du corps.
©Alain Marc
Lisant le Roman d'Adam et Eve — Suite.
Je ne sais pourquoi je repense très fortement à la “nouvelle fiction” en lisant ce roman (Frédérik Tristan, Georges-Olivier Châteauraynaud, Marc Petit, Hubert Haddad, Patrick Carré, et autres) : reconstruire, rebâtir l'histoire, ou penser, et avancer dans sa pensée par l'intermédiaire du roman que l'on écrit. Ce livre : penser repenser la genèse (l'origine, le secret de la création, « l'image de nos origines », p.143), parallèle entre le mythe d'Adam et Eve et le mythe du communisme, point après son effondrement. La nouvelle fiction ? D'ailleurs, le Roman d'Adam et Eve utilise la même forme (la fiction).
©Alain Marc
Le Syndrome de Gramsci de Bernard Noël : maladie de la pensée, à l'ombre de Gramsci, nommer... ; regard, langue, corps, et pensée ; mais aussi le politique, par la manipulation de la pensée dans nos sociétés médiatisées.
* *
La Maladie de la chair de Bernard Noël : maladie, père, père invalide, adultère (du père sur le fils), trouble sur l'enfant, esquisse d'adultère (de la fille sur le père), domination, mort, parricide, père malade et mère...
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Lisant le Roman d'Adam et Eve —
Suite.
Anamorphose (en nombre dans ce livre) :
rebond, retournement (mot qui a déjà été rencontré), déplacement.
©Alain
Marc
Contrepoint
"Mais pourquoi nommons-nous les choses ? Nous leur donnons un nom pour faire disparaître leur étrangeté"
Bernard Noël, le syndrome de Gramsci, P.O.L., 1994, p. 49.
Lisant le Roman d'Adam et Eve —
Suite (et repensant au 19 octobre 1977).
Des idées-forces, des idées-clés, des
interrogations existentielles.
©Alain Marc
Lisant le Roman d'Adam et Eve.
— ne seront examinés ici que quelques points de technique d'écriture, en laissant volontairement sous silence tout autre qui concernerait l'ensemble du livre. Idée de parler, comme d’un laboratoire, d’un livre en cours dont l’aboutissement final ne serait pas encore entrevu. Des notes de travail, en quelques sortes. Travail du critique, face au travail de l’écrivain, toujours en cours —
Je revois bien là le traitement de la fiction de Bernard Noël. Avancer, devancer, par une brutale mise en avant de paroles fortes. Donne un ramassis, un condensé, des pensées les plus fortes, les plus profondes, qu'un sujet humain pense au cours de sa vie (l'instant de la mort avançant).
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Lisant le Roman d'Adam et Eve — Suite.
L'anamorphose : brouillage de la fiction, qu'augmente le brouillage du vrai et du faux, du réel et du fictionnel (ce qui est à l'œuvre dans ce roman).
©Alain Marc
L'utilisation par Bernard Noël de la figure de
l'anamorphose — image déformée et grotesque donnée par un miroir courbe ou
en mathématiques transformation d'une figure donnée en une figure
géométriquement différente, dit le Petit
Robert — dans son dernier roman le
Roman d'Adam et Eve : à nouveau le regard !
©Alain Marc
Ce mot, justement, de « retournement », qui exprime parfaitement l'art de
Bernard Noël (il est dans le Dieu des
poètes de la bouche de l'auteur, il est aussi dans la préface de
l'adaptation de la pièce de Mikhaïl Boulgakov Adam et Eve de la bouche de Charles Tordjman où l'épilogue écrit
par Bernard Noël « retourne la
fiction comme un gant »). Traduit très précisément la poéticité mise
en œuvre. Retourner le mot, le sens, pour retourner l'esprit et le faire
avancer. C'est l'art de la métaphore par le changement de registre. (Lisant
toujours la Maladie de la chair.)
©Alain Marc
proposition de contrepoint : un autre retournement/renversement ?
La poésie joue de se retourner vers l'autre extrême (que celui où nous sommes arrivés), dans un mouvement "comme" de recoïncider avec la violence de la gésine, en deçà du constitué
Bernard Noël, Lettres Verticales, Unes 2000, p. 71
Un autre point commun entre Bernard Noël et (mais on pourrait là encore
avancer le nom de Gustave Flaubert) : cette façon bien particulière de tomber
dans l'abstrait. Par la métaphore, par le déplacement de sens. Du concret à
l'abstrait dans le seul mouvement d'une phrase (du début à sa fin). Bernard
Noël dirait « retournement » — le « retournement »
de Christian Guez appelé aujourd'hui Christian Gabriel/Guez Ricord dans « le Dieu des poètes »,
mais aussi le titre du dernier texte, « Retours de langue »,
tous deux dans le recueil le Dieu des poètes, éd. Paupières de terre,
aut. 1991. (Lisant la Maladie de la chair.)
©Alain Marc
Il y a un lien — autre lien (après Flaubert) — entre
les textes de Bernard Noël et ceux de. Ils provoquent chez le lecteur la même
attirance, on y retrouve le même jeu avec les mots.
©Alain Marc
Cette note d'Alain Marc en préambule à la publication dans quelques heures du compte rendu de la très belle lecture donnée hier soir par Bernard Noël, aux Parvis poétiques de Marc Delouze.
Ne peux que me rappeler ma sensation lors de la
lecture de récits de Bernard Noël comme le
19 octobre 1977, où j'avais décelé comme une force qui émanait de très
courts dialogues, voire d'une phrase, qui décuplait le dire.
©Alain Marc
Bernard
Noël, le 19 octobre 1977 (4ème de couverture).
«
... fixe en quelques instantanés [...] Il n'y a pas de suite, mais un perpétuel
fondu enchaîné ». Vient ensuite un petit développement qui présente le «
premier monologue extérieur » où les mots de « figure optique » et de «
matériau » me paraissent les plus importants.
©Alain
Marc
À
la réflexion, ces longues phrases sans réelles relations entre elles d'un Roger
Munier (« Lieu-Dit » et « Tous feux éteints » — respectivement revues Poésie 87
n° 16, Janv.-fév. 1987, et la Nouvelle revue française n° 460 spécial Roger
Munier, mai 1991) ou d'un Bernard Noël (« un Homme et le vent » — Revue Lieux
d'être n° 12 « Poste restante », hiv. 1991), qui s'alignent les unes après les
autres sans que l'ennui arrive à aucun moment, me fascinent. Une force
métaphysique naît de ces textes qui arrivent, malgré la technique employée, à
former un tout.
©Alain
Marc
J’ouvre
ici une nouvelle page de Poezibao puisque l’écrivain
Alain Marc a bien voulu me confier un ensemble de « lectures » de
Bernard Noël, notes que nous avons convenu de publier jour par jour. Bernard Noël qui est
dimanche l’invité de Marc Delouze aux Parvis Poétiques, dans le XVIIIe
arrondissement de Paris.
Une contribution que j'estime neuve dans la visée première de Poezibao : donner à lire de la poésie, donner envie de lire et connaître la poésie moderne et contemporaine. Je remercie Alain Marc de nous ouvrir une porte sur une oeuvre clé, celle de Bernard Noël.
Poezibao va s'efforcer dans les jours qui viennent de proposer une bibliographie de base de Bernard Noël, pour aider à la recherche des livres cités.
FT
Bernard
Noël, lecture 1
J'aime
le travail technique qu'effectue Bernard Noël. Par ses recherches
— insertions de prose dans la poésie (À
vif enfin la nuit) ; poème qui sous-tend la fiction où l’on retrouve
morceaux de vers, images, invocations (Une
messe blanche) ; deux voix qui s'alternent (Une messe blanche) — il fait avancer l'écriture ! Par ailleurs, les
textes Laile sous l'écrit, le 19 octobre 1977 et l'Été langue morte me transportent
complètement !
©Alain Marc