Murielle Compère-Demarcy propose ici un voyage dans les créations sonores du poète Alain Marc. Cet essai est ici proposé au format PDF à ouvrir d'un simple clic sur ce lien.
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Rédigé par Florence Trocmé le lundi 07 décembre 2020 à 10h43 dans Reportages et rencontres | Lien permanent | Commentaires (0)
Le Grand Dépotoir de Julien Blaine à la Friche Le Belle de Mai
Homme politique en tant que Christian Poitevin, créateur de la Friche, du CIPM, du Mac à Marseille, parmi d'autres...
Julien Blaine excelle dans le cri de l'éléphant qu'il s'est approprié pour communiquer (contrairement au cri de Artaud qui est une déchirure, celui de julo, est un acte, ou un geste de cohésion, et d'union, qui nous transporte de joie) dans une dimension chamanique.... Entre l'enfant et l'artiste, il reste ses costumes, ses masques, ses lettres typographiées, ses textes...
Depuis une semaine, à 78 ans, Julien Blaine reçoit ses amis aux grandes tables de la Friche de la Belle de Mai, devant un whisky ou une bouteille de vin blanc, pendant que ses œuvres disparaissent de la salle d'expo, enlevées par ceux qui déambulent dans ce lieu de culture, ouvert gratuitement en ce moment. Artistes, galeristes, jeunes du quartier, retraités de la culture à Marseille, amis d'enfance, touristes, étudiants, chacun vient voir l'expo et repart avec une œuvre ou deux. Aucune œuvre n'est référencée, la salle se vide, devant nos yeux, et l'expo continue...
Au fur et à mesure, plus de 500 pièces ont déjà disparu, sans qu’on sache où elles vont... Au fur et à mesure Julien Blaine expose ses œuvres qu'il prend dans la remise annexe de la salle d'expo, des œuvres grands formats, papiers, toiles, objets, photos, textes imprimés, mobilier, etc... (photos) Qu'il expose, pour une durée éphémère, car ces œuvres partent et quittent le lieu très rapidement.
Le travail artistique et poétique de Julien Blaine lui permet de s'amuser beaucoup, de jouer et rire avec ses amis, surtout dans sa bande marseillaise.
(Marseille est une ville clanique qui préserve son clan, comme une tribu), Il se fâche aussi beaucoup ce qui lui permet de se réconcilier énormément, il est très attaché à sa famille, à ses amis, ce qui l'éloigne du marché de l'art qu'il déteste. Le vernissage a eu lieu le jour du début du confinement, la Friche de la Belle de Mai a fermé à 18h, alors qu'une performance se déroulait dans le lieu de l'exposition.
Après le confinement l'événement a repris, avec des dates annulées, des performances en suspens. Ça va très vite, Julien Blaine est quelques fois dépassé lui-même, par son entreprise, il exprime même de la colère par moment ? Protéger les œuvres dans leur disparition (?) - ami avec Parmiggiani- ou bien les laisser disparaître entièrement et complètement ?
Dans une vie libre.
Un petit drame se joue au quotidien, rappelant un happening du siècle dernier, se répétant tous les jours d'ouverture. Défaire, détruire .... re-questionner l'art ? A partir de là où il est institué, à partir de sa monstration ?
Des sentiments ambigües, quelque chose de la performance, qui perfore le concept même de l'exposition, tout en restant dans le cadre de celle-ci. C'est une sorte de rétrospective à l'envers, revenir au point d'origine ? Un travail d'écriture sur le concept d'origine avec Gilles Suzanne, professeur en Esthétique à l'Université d'Aix Marseille, est en cours.
Un grand paradoxe cher à l'art s'exprime dans cet univers culturel, que Julien a lui-même mis en place il y quelque années, une scène soulevant ainsi, non seulement les problématiques chères à la Performance, et au Happening, mais aussi celles qui hantent l'art depuis la fin du 19ème, questionnant l'espace de l'œuvre, et de la galerie, lieu ou non-lieu.
Re-venir sur la question de l'espace d'exposition, du spectateur-acteur, de la déambulation, des règles du jeu, du white cube, de la mise en dérision -du marché de l'art en l'occurrence-, de l'humour excédé, du jugement esthétique, du hasard, de la validation de l'œuvre ... etc... Autant de choses incontrôlées, et incontrôlables, qui sont mises à l'épreuve, et "dés jouées". Demain que restera-t-il ? nous n'en savons rien .... Julien Blaine non plus.
Une salle vide -f aisant penser à une allégorie du vide de Yves Klein ? - graphée sur ses murs par l'artiste pour comptabiliser les départs de ses œuvres. En réponse à Banksy qui est présent dans la projection vidéo à l'entrée de l'expo ?
Il y a chez Julien Blaine, un africain, un chinois, un Zorro, un indien, un japonais, un esquimau, un américain, un trappeur, un éboueur, une femme de ménage, un âne, un éléphant, un tagueur, un poète, un artiste, un homme de lettre et de culture, un homme politique, un ami qui m'engueule, etc. ... Toutes sortes d'identités, faisant de lui l'image même de l'artiste contemporain qui existe dans son corps-œuvre, se baladant au travers des classifications.
Véronique Vial
Rédigé par Florence Trocmé le mercredi 24 juin 2020 à 10h35 dans Reportages et rencontres | Lien permanent | Commentaires (0)
L’anniversaire de Hölderlin
« A quoi bon des poètes en temps de détresse ? » (Wozu Dichter in dürftiger Zeit?) dit Friedrich Hölderlin né le 20 mars 1770. Sa poésie veut exprimer une recherche de beau-bien-vrai dans la destinée humaine par une musique de langage rédimante. Sa biographie d’étoile filante incomprise et dramatiquement crashée a fait rêver.
Pour ce 250ème anniversaire de sa naissance, de nombreux évènements, lectures et concerts sont prévus en Allemagne cette année, qui auront lieu selon les possibilités ou seront reportés ou disponibles dans des médias enregistreurs (radio, internet, TV).
Laissons ici de côté l’énorme et intimidante littérature secondaire que ce poète magnifique mais difficile à populariser a suscitée. Évoquons tout de même l’essai Hölderlin et l’essence de la poésie du philosophe Heidegger (1937) qui en tire une de ses maximes : « C’est poétiquement que l’être humain habite sur cette terre », étrangement trouvée dans un poème attribué à Hölderlin collecté par le jeune poète romantique Wilhelm Waiblinger qui le visitait dans sa vieillesse en 1822 pour capter les restes de son énergie visionnaire. Traversons le malheureux détournement de quelques-uns de ses textes les moins intéressants (comme Tod für das Vaterland, patriotisme imaginaire pour un pays qui n’existe pas) par l’horrible régime nazi qui se cherchait des alibis culturels, et qui ne réussit pas à salir ce poète enthousiasmé par les idéaux démocratiques de la révolution française et dont Paul Celan gardera le souvenir après la 2ème guerre dans son Tübingen, Jänner.
Si on devait donner un fil d’Arachné pour entrer dans son œuvre, on commencerait après 1794, après les hymnes emphatiques de sa jeunesse où il partagea une chambre d’étudiant avec le futur philosophe Hegel, afin d’observer comment l’amour réciproque humanise un poète penseur lorsqu’il rencontre sa muse Diotima (dont la mort sera un des grands chocs de sa vie) dans son lyrisme du temps de leur liaison. Puis les « chants de nuit » avec son petit poème devenu classique Hälfte des Lebens qui s’avèrera marquer effectivement une bouleversante « moitié de la vie » dont la deuxième partie serait tragique. Mais d’abord voici les grandes élégies errantes (Pain et vin / Brot und Wein) où il tente un syncrétisme émancipateur entre la pensée solaire de la Grèce antique et la philosophie de l’idéalisme allemand et du christianisme. Peu à peu on lit une langue métamorphosée à la syntaxe nuageuse et une ambiance de beauté douloureuse aboutissant à des transes méditatives (Patmos, Mnemosyne). Enfin, d’autres chocs biographiques (arrestation de son ami pro-révolutionnaire Sinclair, interrogatoire pour conspiration, traitements dévalorisants en clinique psychiatrique) le conduisent à habiter la tourelle de la maison du menuisier Zimmer qui s’occupera de lui avec sa fille durant toute sa deuxième « moitié de vie ». C’est l’époque où considéré comme fou il écrit ses quelques dernières strophes ramassées sur ses pas de promeneur devenus modérés se fondant dans la nature, qui portent souvent pour titre le nom d’une des quatre saisons, terminant régulièrement par « Humblement » et se cachant derrière un pseudonyme, « Scardanelli », refusant son vrai nom : poèmes jugés secondaires comparés à ses grandes œuvres mais d’une émouvante limpidité.L’anniversaire de Hölderlin permet aussi de (re)découvrir les artistes influencés par lui.
D’abord les musiciens, du Schicksalslied de Brahms à Fragmente-Stille, an Diotima de Luigi Nono, ont été nombreux à s’inspirer du poète pour des chœurs, mélodies et lieder : Britten, Ligeti, Kurtag, etc. Les plus étonnants sont trois compositeurs qui ont travaillé plusieurs années sur de vastes œuvres. En 1960 l’Italien Bruno Maderna commence son Hyperion (d’après le roman poétique de Hölderlin) une œuvre symphonique avec voix et électronique dont les parties peuvent s’interpoler, aboutissant à une hydre sonore chaotique où surnage une flûte symbolisant le personnage du poète (puisque Hölderlin avait appris à en jouer avec le virtuose aveugle Friedrich Dülon).
Plus minimaliste, le cycle de Hans Zender Hölderlin lesen vers 1980, tout en fragments, brisures et silences, confronte le quatuor à cordes Arditti avec la dramatique diseuse Salomé Kammer. Enfin les complexes chœurs du suisse Heinz Holliger pour le Scardanelli-Zyklus terminé en 1991, remodèlent les poèmes tardifs sur les saisons, renouant le fil de la flûte.
Les cinéastes également ont voulu mettre en images mouvantes vie ou œuvre du poète. Le film Hälfte des Lebens de Herrmann Zschoche est centré sur l’histoire d’amour entre Hölderlin et Diotima avec la fine interprétation de Ulrich Mühe, une production étonnante sous le régime communiste de RDA (1985). Plus excité, l’érotique Feuerreiter (Le cavalier de feu) de Nina Grosse présente un Hölderlin bisexuel (1998). Tandis que Harald Bergmann voue une trilogie au poète, dont la troisième partie Scardanelli, avec l’excellent acteur français André Wilms, désire éclaircir le long retour à pied de Hölderlin depuis Bordeaux vers l’Allemagne en n’employant aucun texte inventé et se servant de témoignages, lettres et rapports de l’époque (une thèse étant que Hölderlin y fut peut-être attaqué et laissé pour mort, précipitant une psychose). Dernièrement ARTE a aussi produit un nouveau documentaire Friedrich Hölderlin. Un poète absolu (2020) qui restera dans sa médiathèque, du 25 mars au 22 juin 2020. Une place d’exception occupe le film de Danièle Huillet et Jean-Marie Straub Der Tod des Empedokles (La Mort d’Empédocle) (1986) mettant en scène lente dans la nature méditerranéenne, quasi-statique si ce n’est un insecte, une brise, ou les voix hiératiques de récitants antiques sensibles, la tragédie en vers écrite par Hölderlin sur le philosophe des 4 éléments qui se serait jeté dans l’Etna.
Finalement citons des poètes ayant écrit au moins un cycle ou un livre entier sous le signe de Hölderlin. Par exemple deux poètes récents, Jose FA Oliver et Mikael Vogel avec leur plaquette à quatre mains zum Bleiben, wie zum Wandern – Hölderlin, theurer Freund (2020). Puis Hölderlin-Reparatur de Gerhard Falkner (2008) qui infuse d‘atmosphères hölderliniennes son paysage urbain. Et encore la série H.Ö.L.D.E.R.L.I.N. du Hongrois Endre Kukorelly (dans Je flânerai un peu moins, Editions BIPVAL 2008). Ensuite les Hölderlin Hybrids en anglais de Rosmarie Waldrop (2003) dont les fragments méditatifs ricochent sur un concept ou un écho du poète (les dieux…). Et enfin Scardanelli de Friederike Mayröcker (2012), où la poète autrichienne à 80 ans semble jouer du masque de Scardanelli pour continuer à écrire sa propre poésie dans le grand âge, résonnant parfois de quelques mots du Souabe.
Le printemps permettra bien de visiter son lieu de vie, la Tour Hölderlin (Hölderlin-Turm) à Tubingen, qui vient d’être rénovée et rouverte avec une exposition permanente interactive.
Au moins on pourra évidemment lire Hölderlin lui-même, sur le web ou plus idéalement dans un livre : l’édition Pléiade de Philippe Jaccottet, le recueil abordable de Gallimard Poésie, les poèmes tardifs en poche chez Points Poésie, ou une grande anthologie bilingue chez La Différence, parmi d’autres éditions.
En écoutant des réponses que les artistes comme Hölderlin nous donnent aux temps de détresse.
*
Rosmarie Waldrop : extrait de Hölderlin Hybrids
Inexplicable oubli 3
Peut-être le passé est-il suffisant pour le passé et tous ses habitants. Ils n’ont pas besoin d’être tirés de leur état de retraite. Mais si je répète sans savoir que je répète ? Suis-je dans mon propre corps ?
Ou le passé est-il, comme les dieux, sans émotion ? et tente-t-il d’atteindre nos sentiments pour ne pas devenir transparent ? Comme une femme non regardée ? S’effaçant entre les pages des Contes de Grimm ?
Cependant que souffle après souffle la maison brûle et sous les décombres nous engloutit. Et de grands corps de pensée se désagrègent. Et aucune forme qui leur soit identique n’apparaît plus jamais à la surface de la terre.
Pourtant d’amour avec douceur d’été des traces flottent en les artères comme d’amples bateaux. Transportant trousses de survie puisque le corps est adapté. C’est seulement quand les défenses du cerveau sont abaissées comme dans les rêves que nous sombrons dans le flot pur.
À la façon dont Madame Blavatzky immergeait son corps dans le Gange et, d’après Yoel Hoffmann, dédiait une prière aux plantes. Sans songer à l’histoire de la terre avec ses règnes de silence et long sommeil.
Source : Rosmarie Waldrop : Blind Sight, New Directions 2003. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle.
*
Friederike Mayröcker : extrait de Scardanelli
quand tu prononces cela dit Elke Erb je vois des cheveux d’anges ap-
paraissent des cheveux d’anges à moi dans la sapinaie qui en fait avec div. pins
qui se dressaient étroitement réunis dans la forêt sombre ordonnés secs
bruissante la rivière la bouche-de-femme c’est une plante comme la prunelle
engloutie plus tard l’Abondance Générale des Larmes de
ce monde quand du ciel se déverse une vague plus claire
les forêts sans flor (brebis) les ondines ainsi allongée
dans ses bras moi c’était un spectacle dit Elke Erb au
téléphone dans une sapinaie j’ai vu que les cheveux d’anges (aux div. sommets
des montagnes et forêts aux prunes parfumées et lierre) respirant à plaisir
puis dans un océan de sauvagerie grise la 1è fleur (d’îles)
les prémices la primevère clé du ciel crocus chancelant
hors la terre quand avec mère (en habit gris) dans ce
jardin où les herbes perçaient : cette seule image à
P. comme des violettes hépatiques dans ce jardin : assez étrange
cette seule image tout le reste effacé en moi cette seule image
mère en habit gris et elle, main dans la main
(« 1 tortillon emmailloté online 1 lueur de lampe dans mon lit quand je
me réveillai, la pergola de vigne blanche et clématite, 1 fiévreuse
tempête de Danube dans les prairies de l’air, c’était Beth Bjorklund qui dit, je
reviens (« petit jésus… »))
et empli de bosquets toujours verts comme quand un jour vers cette délicieuse
ville de Florence depuis une colline j’abaissai mon regard / pourtant et au nombre
des vieillissants déjà l’on me compte bien que plutôt je vou
drais me joindre à de plus jeunes (Rose de ses joues)
Scardanelli
12.2.08
Source : Dossier Friederike Mayröcker dans la revue L’Intranquille n°2, 2012. Traduction de l‘allemand par Jean-René Lassalle
(Le cycle complet est paru en livre en français : Friederike Mayröcker : Scardanelli, Atelier de l’Agneau 2017, traduit par Lucie Taïeb.)
*
Sitographie musicale :
La première partie du cycle Hyperion de Bruno Maderna
Un extrait du Hölderlin Lesen de Hans Zender
« Winter III » de l’œuvre chorale Scardanelli-Zyklus de Heinz Holliger
Jean-René Lassalle
Rédigé par Florence Trocmé le jeudi 19 mars 2020 à 14h16 dans Reportages et rencontres | Lien permanent | Commentaires (0)
Catherine Goffaux a envoyé à Poezibao ce reportage rédigé de mémoire à l’automne dernier où elle se souvient d’une lecture donnée par Antoine Emaz à Lyon, en 2005
Alors qu’approche le premier anniversaire de la mort d’Antoine, le 3 mars 2019, le site Poezibao est heureux de publier ce texte
Antoine Emaz à la Bibliothèque municipale de Lyon, en 2005,
pour une « Scène poétique »,
en compagnie de Béatrice de Jurquet.
La salle bruisse doucement des conversations étouffées de ceux qui sont arrivés en avance. La scène est faiblement éclairée, c'est tant mieux : pour le moment, on ne distingue pas encore combien la moquette est élimée, le mobilier, rafistolé, combien les murs sont devenus gris avec le temps, les tresses de câbles électriques, apparentes. La lumière monte, le poète invité franchit la porte en fond de scène. Un chuintement métallique violent fait sursauter tout le monde. La salle sombre dans un noir absolu, où ne brillent que les boîtiers verts des sorties de secours. Briquets et portables s'allument. Woodstock... si les portables avaient existé à l'époque. Le public s'agite beaucoup mais ne s'énerve pas. La silhouette à peine discernable du technicien court de la régie à l'estrade, et retour. Survolté, furieux contre lui-même mais aussi contre la vétusté des lieux, il jure à voix basse. Au bout de quelques minutes, le gardien annonce que tout le quartier est plongé dans le noir, et que « ça va revenir ». « Ça » revient, mais l'installation de la salle de conférences n'a pas survécu à la coupure. Déclarer forfait ? C'est hors de question. Conseil de guerre, en vitesse. « On se replie où ? » Le bâtiment est vaste. Alors, les auditeurs, sur la consigne d'une collègue à l'esprit bien plus pratique que le mien, forment une longue chaîne et font gravir quatre étages à une centaine de chaises, jusqu'à une salle donnant sur le ciel, qui a accueilli un séminaire dans l'après-midi et dont les tables sont encore disposées comme dans une salle de classe. Le renfort de chaises est déposé dans un tumulte de pieds en métal, qui valsent au nord, à l'est, au sud, finissent enfin par s'orienter tous dans la même direction... vers le poète qui s'assied, d'un sourire, impose le calme, remercie pour le plan B et entame sa lecture. Ce poète aux titres de circonstance – « Poème maigre », Poème temps d'arrêt, « Poème, ça passe », « Poème, un temps mort » – est désormais très recherché, les plombs sautent quand il apparaît, il est ce soir le poète de la décroissance.
Il n'a pas eu à lire à la lumière d'une bougie, mais il n'a pas été enregistré, faute d'équipement adéquat dans cette salle-là. Sa lecture n'a été qu'un moment fugace dont, alors même qu'il s'exécutait, nous ne savions pas si ce que nos mémoires en conserveraient serait la beauté du texte, la cordialité de la personne, ou cette longue chaîne de rires et de chaises escaladant les escaliers dans le silence de la Bibliothèque désertée par son personnel et ses lecteurs.
Nous nous acharnons à enregistrer, mettre en ligne, dupliquer, cataloguer les copies, les stocker, les conserver, mais qui les regardera ? Comment éprouver ou retrouver le charme d'un tel moment seul devant l'écran de son ordinateur ? Et ces enregistrements, dureront-ils ? Ne passeront-ils pas comme l'ont fait nos fax et nos photocopies d'autrefois ? Ne deviendront-ils pas si nombreux, qu'accablés par leur masse, nous les délaisserons ? Le goût des archives enregistrées n'est-il pas spécifique à notre génération, encore émerveillée par le fait que l'on puisse tout enregistrer partout et tout le temps ? N'aurons-nous pas envie d'oublier ? N'aurons-nous pas envie de décider que cela s'est déposé en nous, que rien n'est effacé, que l'on n'y a simplement plus accès, mais que cela, en son temps, nous a constitués, et pour longtemps, et définitivement.
Catherine Goffaux, 16 octobre 2019
Photo, Antoine Emaz en 1996, ©Jean-Marc de Samie
Rédigé par Florence Trocmé le vendredi 24 janvier 2020 à 10h34 dans Reportages et rencontres | Lien permanent | Commentaires (0)
Remise du prix Etienne Dolet de traduction à Marc de Launay
Ce lundi 30 septembre 2019, à la Sorbonne, a eu lieu la remise du prix Etienne Dolet de traduction* à Marc de Launay. La laudatio a été prononcée par Bernard Banoun, président du jury de ce prix qui désignait son lauréat pour la troisième fois (après Jean-Baptiste Para et Mireille Gansel). C’était aussi hier la Saint Jérôme, patron des traducteurs et la journée mondiale de la traduction. On a noté la présence de Michel Deguy, Bruno Clément, Marc Crépon ou encore Pierre Judet de La Combe.
Bernard Banoun a présenté l’œuvre de Marc de Launay en la plaçant sous le double signe de la traduction et de la recherche. Le traducteur a traduit relativement peu de littérature (mais il faut citer néanmoins quelques traductions de Rilke, Handke, Kafka ou encore Schönberg pour un livret d’opéra). Car c’est surtout dans le domaine de la philosophie et de l’histoire des idées qu’il a travaillé, inlassablement, à faire connaître nombre de philosophes allemands : Adorno, Arendt, le « trio » Rosenzweig/Scholem/Buber, Habermas, Husserl, Nietzsche, Hermann Cohen, Léo Strauss, Cassirer, Rickert, Popper. Il a ainsi contribué à faire connaître en France tout un pan de la pensée allemande très occultée du fait des deux guerres mondiales.
Marc de Launay a ensuite présenté lui-même son travail et son expérience de traducteur, en montrant dans un premier temps comment sa génération (il est né en 1949) a vu naître la traductologie et aussi les grandes associations qui ont promu le travail de traducteurs comme l’ATLF (puis Atlas, Les Assises d’Arles, etc.). Il a parlé de ses maîtres, depuis son professeur d’allemand au lycée qui l’a confronté au Faust de Goethe et à la scène où Faust s’interroge sur le Prologue de Jean. Mais aussi de Paul Ricoeur, dont il évoque le travail de traduction, en cachette, de Ideen I d’Husserl à l’Oflag, en Poméranie, pour en déduire que l’on peut traduire en plein désespoir. Il reviendra d’ailleurs à plusieurs reprises sur la disposition psychique particulière engendrée par le travail de traduction. Il évoque aussi l’importance fondamentale pour lui de la Grammaire comparée de l’allemand et du français de Jean-Marie Zemb ou de l’école de Lille, Jean Bollack, Heinz Wissmann et Pierre Judet de La Combe. Il sera question aussi plusieurs fois d’Henri Meschonnic, de Jean-René Ladmiral et d’Antoine Berman dont il finira par s’éloigner en raison de divergences sur la traduction de Freud. Il rend compte par ailleurs de la situation misérable des bibliothèques et des librairies (très peu de livres de poche encore) à l’époque de ses études, le fait qu’on ne trouvait pas les livres sur lesquels on avait cours et que pour lire, il fallait traduire.
On l’a dit, plusieurs fois Marc de Launay a parlé de la disposition psychique très particulière propre à la traduction, qui pour lui stérilise toute tentative d’écriture, dans le même temps. Il l’a comparée à un acte calligraphique : elle s’écrit d’emblée comme un coup de pinceau. Avec une forte insistance sur la matérialité du texte, la traduction devenant alors une sorte d’interprétation réalisée. Il a défendu l'idée que la traduction philosophique est aussi fondamentalement une traduction littéraire (pour ne pas dire poétique), attentive au rythme, au souffle, à l'univers d'images du texte.
On rappellera pour conclure le compte rendu de cette très belle soirée que Marc de Launay a publié un livre intitulé Qu’est-ce que traduire ?
Florence Trocmé
*Placé sous l’invocation d’Étienne Dolet, grand humaniste du XVIe siècle, traducteur et auteur du premier traité de traduction en français, ce prix vise à attirer l’attention du public sur l’apport essentiel de la traduction à la culture et aux savoirs.
Le jury est composé d’universitaires et de journalistes spécialistes des échanges entre les langues et des questions de traduction.
Composition du jury : Bernard Banoun (président), Guillaume Métayer (secrétaire), Yann Migoubert (Service culturel de Paris-Sorbonne), Pascal Aquien, Laurence Breysse-Chanet, Élisabeth Brunier, Luba Jurgenson, Isabelle Lavergne, Claire Stolz, Florence Trocmé, Daniel Baric, Virginie Bloch-Lainé, Marie-Céline Daniel.
Photo ©Florence Trocmé, à gauche Marc de Launay, à droite Bernard Banoun
Rédigé par Florence Trocmé le mercredi 02 octobre 2019 à 09h23 dans Reportages et rencontres | Lien permanent | Commentaires (0)
Balises: Adorno, Arendt, Bernard Banoun, Buber, Cassirer, Guillaume Métayer, Habermas, Hermann Cohen, Husserl, Léo Strauss, Marc de Launay, Nietzsche, philosophie allemande, Popper, Rickert, Rosenzweig, Scholem, traduction
Hommage à Marie-Claire par Alain Bancquart
Hier soir, samedi 14 septembre 2019, à Reid Hall, rue de Chevreuse à Paris, très beau concert-lecture en hommage à Marie-Claire Bancquart, avec plusieurs créations mondiales de son époux, le compositeur Alain Bancquart. Ce furent des instants de très haute tenue et de profonde émotion que ceux offerts par Alain Bancquart en mémoire de Marie-Claire Bancquart disparue le 19 février 2019. La soirée, sous forme d’un concert-lecture, mêlait des œuvres d’Alain et des poèmes de Marie-Claire Bancquart.
Parmi les œuvres musicales, plusieurs ont été écrites au cours de la dernière année de la vie de Marie-Claire et ont été données hier en première mondiale. Six œuvres en tout, rassemblées sous le beau titre de Le Livre du Doute : « Le Dialogue de l’oubli », pour flûte alto et violoncelle, « Chaque matin bouge la mort », splendide partition pour alto solo admirablement interprétée par Laurent Camatte ; « Monologue du Double pour violon et alto » ; « Verticale du secret », pour violon, alto et violoncelle ; « Mémoire de l’improbable », pour quatuor à cordes et « In fine », pièce pour harpe et quatuor à cordes (toutes pièces en création mondiale sauf le Quatuor « Mémoire de l’improbable »). Toutes pièces à l'écriture foisonnante et complexe, mêlant des moments au bord du silence, aux sonorités spectrales, parfois en longues plages quasi hypnotiques et des phases intenses, emportées, déchirées et déchirantes, marquées par la récurrence d'une montée crescendo sur une corde, comme un cri, en bel écho avec l'univers poétique contrasté de Marie-Claire Bancquart. La soirée était en six temps, associant une pièce musicale et une lecture de textes de Marie-Claire Bancquart choisis dans ses livres Avec la mort, quartier d’orange entre les dents (Obsidiane), Qui vient de loin (Castor Astral), Tracé du vivant (Arfuyen), Verticale du secret (Obsidiane). A la toute fin, avant le quatuor avec harpe, les très forts et émouvants « Derniers poèmes » (in Toute minute est première, anthologie réalisée par Claude Ber, Castor Astral). Ces textes ont tous été lus, remarquablement, par Frédérique Wolf-Michaux.
Après la dernière note de musique a retenti dans la salle un enregistrement de la voix de Marie-Claire Bancquart dont la présence fut palpable tout au long de cette soirée. Dont il faut aussi souligner qu’elle a proposé un très bel exemple de lecture-concert bien conçu, capable de renouveler l’attention des auditeurs, autour de textes et d’œuvres musicales parfois difficiles. La qualité d’attention du public, riche de plus de cent personnes, fut d’ailleurs tout à fait exceptionnelle.
Florence Trocmé
Les musiciens : Sona Khochafian et Leo Marillier, violons ; Laurent Camatte et Claire Merlet, altos ; Pierre Strauch, violoncelle ; Jean-Luc Menet, flûte alto ; Fabrice Pierre, harpe. Joël Soichez, chef.
Textes lus par Frédérique Wolf-Michaux.
Les deux dernières parutions de Marie-Claire Bancquart :
Terre énergumène précédé de Dans le feuilletage de la terre et de Verticale du secret, préface d'Aude Préta-de-Beaufort, Gallimard, coll. « Poésie-Gallimard », n° 541, 2019
Toute minute est première, suivi de Tout derniers poèmes, Le Castor Astral, 2019
Photos : la scène de Reid Hall à la fin de la soirée.
1. Fabrice Pierre, Claire Merlet, Alain Bancquart, Pierre Strauch, Joël Soichez
2. Frédérique Wolf-Michaux, Alain Bancquart (de dos), Laurent Camatte, Leo Marillier, Sona Khochafian et Fabrice Pierre.
3. Marie-Claire Bancquart
©Florence Trocmé
Rédigé par Florence Trocmé le dimanche 15 septembre 2019 à 10h29 dans Reportages et rencontres | Lien permanent | Commentaires (0)
Balises: Alain Bancquart, Arfuyen, Claire Merlet, Fabrice Pierre, Frédérique Wolf-Michaux, Jean-Luc Menet, Laurent Camatte, Laurent Camatte, Le Castor Astral, Leo Marillier, Marie-Claire Bancquart, musique contemporaine, Obsidiane, Pierre Strauch, Reid Hall, Sona Khochafian
Les 90 ans de Gerhard Wolf
Ce samedi 20 octobre, plus de cent quarante personnes étaient réunies à Berlin pour témoigner à Gerhard Wolf leur admiration et leur amitié à l'occasion de son quatre-vingt-dixième anniversaire. Famille, amis, écrivains, artistes, éditeurs, d'Allemagne, de France, d'Italie et d'ailleurs. Mari de Christa Wolf, Gerhard fut son précieux et attentif soutien, comme en témoignent de nombreux écrits de la romancière, par exemple Un jour dans l'année (Fayard) ou Lire écrire vivre (Christian Bourgois). Les écrits de Gerhard Wolf sont par contre moins connus hors d'Allemagne, alors qu'il a joué un rôle considérable dans les domaines de la poésie et des arts. D'abord journaliste littéraire à la radio de la RDA puis lecteur dans différentes maisons d'édition, il est l'auteur de plusieurs livres consacrés à des poètes allemands, notamment Hölderlin et Bobrowski. En 1976 il fut, avec Christa, l'un des auteurs de la pétition protestant contre la décision des dirigeants de la RDA de priver le chansonnier Wolf Biermann der ses droits civiques. Ce qui lui valut d'être exclu du parti SED. En 1988 il créa aux éditions est-allemandes Aufbau une collection de poésie intitulée Ausser der Reihe, où il publia de nouveaux auteurs encore marginaux avant de fonder en 1990 sa propre maison d'édition, Janus press.
Christa et Gerhard Wolf ont publié ensemble des essais sur les écrivains romantiques allemands. Et c'est également avec Christa qu'il écrivit le scénario du film Till Eulenspiegel. Au cinéma encore, le plus grand réalisateur est allemand, Konrad Wolf (sans lien de parenté avec Christa et Gerhard) l'associa à l'écriture du scénario du film Ich war neunzehn (J'avais dix-neuf ans). Gerhard a également publié, parfois avec Christa, de nombreux essais sur des peintres contemporains. Dans quelques semaines va d'ailleurs paraître un livre rassemblant, avec de nombreuses reproductions, la correspondance de Christa et Gerhard Wolf avec le peintre Carlfriedrich Claus (1930-1998). Cet artiste avant-gardiste qui s'intéresse tout particulièrement aux zones situées à la marge de la langue, aussi bien orale qu'écrite, était déjà connu à l'Ouest quand il commença à être exposé dans son pays, en RDA, au milieu des années soixante-dix. Lors de cette fête d'anniversaire, les éditions Radius de Stuttgart ont présenté le livre de Gerhard Wolf qui venait des sortir des presses : Im deutschen Dichtergarten - Lyrik zwischen Mutter Natur und Vater Staat (Dans le jardin allemand des poètes – Poésie entre mère nature et père État). Précédé d'un essai de Friedrich Dieckmann, ce volume de 450 pages rassemble des études écrites par Gerhard Wolf au cours de cinq décennies consacrées à des poètes de la RDA et notamment Erich Arendt, Stephan Hermlin, Günter Kunert, Karl Mickel, Elke Erb, Sarah Kirsch et Volker Braun.
La poète Róža Domašcyna était parmi les nombreux écrivains présents à cette fête d'anniversaire. Lorsqu'en 1990 Gerhard Wolf créa sa propre maison d'édition, Janus Press, il s'attacha à faire connaître des poètes des nouvelles générations est-allemandes, parmi lesquels Róža Domašcyna, qui écrit en sorabe (langue d'une minorité slave en RDA) et en allemand. Même si plusieurs de ses poèmes ont été publiés en traduction française dans la revue LITTERall, il n'existe malheureusement pas encore de livre d'elle en traduction française, alors qu'elle a reçu en 2003 le Prix Evelyne Encelot. Il y a quelques jours, c'est le Prix littéraire de la Saxe qui lui fut décerné.
Alain Lance
Rédigé par Florence Trocmé le lundi 29 octobre 2018 à 18h13 dans Reportages et rencontres | Lien permanent | Commentaires (0)
Balises: Alain Lance, Christa et Gerhard Wolf, Gerhard Wolf, Róža Domašcyna
Compte-rendu à quatre têtes & 8 mains
de la soirée enregistrement-lecture d'Ivar Ch'Vavar
Le 12 octobre 2018
à La Maison du Théâtre/quartier St Leu d'Amiens.
Avec par ordre d’entrée : Christian-Edziré Déquesnes, Marie-Christine Menue, Dominique Dou et Dominique Braux
« Le jour où une flickette m'a mis à mal »
À cause de la Comédie Picarde
Moi qui ne rêve jamais, j'ai fait un rêve dans l'un de mes rêves mais en fait c'était pas un rêve mais la réalité pourtant j'ai cru et je crois encore que j'ai rêvé. Je viens de Douai. Je suis la route entre Arras et Amiens mais ce n'est pas la route que j'emprunte habituellement car je passe toujours par Albert. Dans le coffre de mon automobile, j'ai un carton plein du n°14 du pauvre périodique Ffwl Lleuw que d'ailleurs je décide d'un coup de nommer Aux Robes de Rimbaud et il en sera ainsi dès le n°15 à venir. Là, ce numéro, il a un épais supplément : VERS NOUVEAUX d'Arthur Rimbaud mais dans une version qui a été revue, réorganisée chronologiquement par Ivar Ch'Vavar et à la suite ce dernier a rédigé une très longue note - faut-il encore nommer cela une note ? - Je suis content au volant de ma Dacia blanche et encore neuve parce la veille j'étais à Tournai en Wallonie Picarde, rue des Mouettes exactement ! Afin de photocopier une centaine d'exemplaires du Ffwl Lleuw n°14 qui va bientôt s'appeler Aux Robes de Rimbaud, il faut bien le redire, et autant du supplément : Vers Nouveaux. Je suis vraiment satisfait, je suis dans les temps car il est un peu plus tard que 18h alors que je rentre dans la banlieue nord-ouest d'Amiens afin de me rendre au Théâtre pour assister à l'enregistrement d'une lecture d'Ivar Ch'Vavar qui va réciter certains de ses poèmes arithmonymes*. C'est tout de même un événement ! C'est lui qui a inventé cette contrainte poétique, le vers arithmonyme. Oui ! Je suis très heureux car je vais ainsi pourvoir lui remettre des exemplaires de Vers Nouveaux de Rimbaud qui représente beaucoup pour Ivar Ch'Vavar.
En entrant dans la banlieue nord-ouest, à un rond-point, il y a des policiers qui arrêtent des voitures pour effectuer des contrôles ; ils ne m'arrêtent pas mais je me gare un peu plus loin et je vais leur demander comment me rendre au Théâtre car je n'ai pas de g.p.s et je n'en aurai jamais. Franchement, ils sont gentils, très aimables et très souriants avec moi puis même une flickette me prend à part pour vraiment m'expliquer le chemin et griffonner un plan sur une page arrachée d'un petit carnet rose qu'elle a sorti de sa poche révolver, un beau et clair petit plan qu'elle me dessine et je devine même qu'elle désire m'embrasser sur la bouche quand elle me signale « À Amiens, le théâtre s’appelle La Comédie de Picardie mais pas de problème avec mon plan vous allez trouver très facilement » ; je vois bien qu'elle est vraiment toute gaîte ! J'arrive sans aucune difficulté à La Comédie de Picardie et il y a même une place de parking de libre presque devant l'entrée. Je suis donc bien dans les temps. Je descends de ma Dacia blanche, je prends mon carton de Ffwl Lleuw n°14 et de Vers Nouveaux dans le coffre. Je traverse la rue, je suis déjà devant le portail de La Comédie de Picardie où personne n'attend car il est bien trop tôt ! Je suis en avance ! Il y a un vigile avec un brassard orange vigie pirate, je lui dis bonjour et demande si c'est bien ici que va avoir lieu l'enregistrement de la lecture d'Ivar Ch'Vavar, je ne sais plus si il a vraiment acquiescé verbalement mais il me demande ce que contient mon carton ; je lui explique et lui propose même de regarder pour vérifier, il me répond « Pas la peine puisque vous êtes donc attendu, rentrez je vous en prie ». Je m'exécute j'entre... Je traverse la cour, il n'y a personne ; j'entre dans le grand hall d’entrée, laù, pon in tchiens ! J'entre dans la salle du théâtre de La Comédie de Picardie pi laù pon eune mouke, coére étou toudi pon in tchien ! Perchonne quoé ! Sur la scène, c'est le grand vide, rien... enfin presque rien ; juste sur le bord de la scène tout à gauche, bien à gauche toute, en guise de petite estrade il y a une caisse recouverte d'une toile noire et devant un micro sur pied et un pupitre pour pouvoir visiblement y déposer des textes ou partition... Je pense « Cela c'est bien du Ch'Vavar, c'est ultra sobre puis bien sûr décentré, décalé et bin à goche, à goche to'te ! ». HFin bénache, heureux, serein, je m'assoie au premier rang, je pose mon carton à mes pieds et je ne vous cache pas mon allégresse d'être là mieux que bien placé au premier rang... Le temps passe... un bon moment... même un long moment, je reste seul dans le théâtre mais bientôt enfin quelques personnes rentrent dans le théâtre, ils viennent prendre place dans les premiers rangs. À leur conversation bruyante, je finis par avoir un doute : ils ne viennent pas visiblement et surtout auditivement pour une lecture d'Ivar Ch'Vavar. Je décide donc de m'en assurer et je leur demande. En effet ! Ils me confirment qu'ils sont là pour tout autre chose et un Monsieur, ou une Dame, je ne me souviens plus car mon désarroi est d'un coup si puissant ! m'informe qu'à Amiens, il y a deux Théâtres : La Comédie de Picardie et La Maison du Théâtre dans le quartier St Leu. Là, je comprends que c'est je suis dans un scénario mal embouché pour être au final dans les temps. Je prends mon carton, je sors de La Comédie de Picardie, je retourne à ma voiture et en route pour La Maison du Théâtre du quartier St Leu mais puisque je n'ai pas de g.p.s, je demande ma route à maintes reprises mais les personnes soit ne sont pas d'Amiens, ne peuvent donc pas me guider ou alors ils sont d'Amiens mais ne connaissent pas leur ville. Tout de même j'arrive à m'adresser à quelqu'un qui sait ; il m'explique mais oh la la... sens interdits, rues en travaux. Bref, la cata ! Quand j'arrive à La Maison du Théâtre, il est un peu plus de 20h, des personnes assises à une terrasse d'un bar-restaurant voisin m'annoncent que l'on vient juste de fermer les portes. Alors je me mets à converser avec mon carton de Ffwl Lleuw n°14 et de Vers Nouveaux puis d'un coup, saisissant Rimbaud, mais c'est quoi cette histoire-là ? C'est pire que dans un rêve de Claire Ceira ou de Ch'Vavar !? J'ai le désir de repartir mais j'entends clairement la voix d'Arthur qui s'adresse à moi « La nuit est douce, vas donc marcher un peu. Tu ne vas pas rentrer à Douai maintenant, tu reviens un peu plus tard quand ce sera fini et qu'ils t'ouvriront les portes alors ». C'est ce que j'ai fait ! Ainsi j'ai tout de même pu embrasser Ch'Vavar, lui remettre ces foutus Vers Nouveaux et j'ai rencontré aussi des Camarades que je connaissais seulement par le biais de mes correspondances avec eux mais dont je n'avais vu le visage, Mathilde, Marie-Christine, une Dominique au féminin, un Dominique au masculin, Alain, Guillaume et quelques autres... E-pi aveuck qui:te-z-ins ed chés Caùmarates, laù, in s'intreuve à mon Ch'Vavar... Quand je repars, que je reprends ma route - toudi edzeur l'coéchie ! .. .je prends soin de prendre l'itinéraire via Albert mais au dernier grand rond-point en sortant d'Amiens : contrôle de Police. La flickette toute gaîte du début de mon rêve qui n'est pas vraiment un rêve pourtant cela y ressemble, non ? Elle me fait signe de me garer sur le bas-côté. Je m'exécute, je baisse ma vitre et souriante elle me demande « Alors c'était bien votre soirée à La Comédie de Picardie ? ». Je lui réponds « Si vous saviez ! Quelle histoire ! » alors elle me répond « Allez ! Allez, nous allons prendre le temps pour que vous me racontiez tout cela même si c'est long. J'ai tout mon temps puisque cette nuit même si ce n'est pas réglementaire, je suis en service solo. ». C'est à ce moment que dans mon rêve qui n'est pas vraiment un rêve je fais le choix de m'endormir tout éveillé ! Mais tout en pensant : demain, je sollicite par courrier quelques-uns des Camarades qui ont assisté à l'enregistrement de la lecture afin d'essayer de fournir un compte-rendu correct à Florence Trocmé qui me l'a demandé pour Poezibao.
Christian-Edziré Déquesnes
/
(Somme m'obsède
La Somme, pas Le,
Près du fleuve flotte un théâtre)
...
Alors Ch'Vavar entre dans la pénombre et marche droit vers le centre éclairé.
Il est venu pour nous, nous sommes venus pour lui.
Nous sommes là assis dans l'ombre sur les sièges rouges dans la boîte noire.
...
Pierre fait rouler chuinter pincer tinter
il cavale il rugit et
ses mots devenus sons grondent sifflent soufflent...
c'est un flot !
...se mettent en branle s'agitent s'excitent et
soupirent
...
Il ponctue ses paroles en tapotant ses feuilles blanches sur une petite table noire et basse tap tap
Debout
Droit
Une fois une main s'ouvre, grande
Une fois un bras se lève, c'est tout
...
Sommes-nous là
N'y sommes-nous pas?
Somnolents Ne sommes-nous pas !
De sa voix blanche et sincère, il dit.
c'est le dit de Ch'Vavar, dirait un Chinois,
c'est toudis c'que Ch'Vavar dit, dirait un Picard,
Ch'Vavar dit ses mots, pardi ! dirait tout homme
ces mots-ci faut qu'il soient dits!
et nous sommes pris!
Marie Christine Menue
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Ivar lit-il ?
Vendredi 12 octobre 2018, dix-neuf heures quarante-cinq, Maison du théâtre, Amiens, Picardie, France.
Four noir nous bouillons il bout en coulisses le verre d'eau sur la table chauffe deux grandes pattes noires croisées scotchées au sol attendent tout est noir on attend silence cri intérieur tous un grand corps entre se pose devant l'abscisse et l'ordonnée du son – Ivar va parler. C'est certain maintenant.
Voilà il est parti. Sa course est entamée. Il parle. Lit-il ?
Il nous parle adossé à son souterrain intérieur grand corps à peine se mouvant sur le sol feuillets en main bien tenus à peine remués faisant attention au son qu'ils pourraient émettre dans les pattes noires il a soif ne boit pas ça attendra la gorgée d'eau fait du son dans les micros quand on boit on n'articule pas bien et cette langue qu'il parle a besoin d'impeccabilité on ne boit pas cette langue nous on l'imprime en pleine poitrine on se chauffe dans la langue qu'on entend qui vient de loin qui vient de sa préhistoire on entre dans sa préhistoire l'humain sur le sol noir qu'il -
fouille archéologue à la recherche de tous ses os fouaille sa fatigue droit et doux même s'il rit pour lui nous on bouge pas on pipe pas mots les mots c'est lui qui les -
livre Alice à notre conjecture n'est plus une petite fille mais la fille du livre qu'on voit avec terreur mais c'est vrai ça on n'avait pas vu Alice comme ça depuis longtemps on l'avait oubliée Alice et les sept nains aussi peut-être Alice violentée et saupoudrée oui c'est vrai ça pourquoi le poète aujourd'hui ne raconterait-il pas des histoires ?
Des histoires pas vraies ou des histoires authentiques des histoires de tête du poète comme par exemple celles de l'intérieur de sa tête comme par exemple je pense à ça en même temps qu'il lit l'Alice la mort de Mandelstam qu'on n'a jamais vu mourir vu qu'il est soi-disant mort seul et qu'on lit dans un livre authentique sorti de la tête de -*
l'archéologue fouille encore fouille toujours fouaille encore fouaille toujours et nous on écoute toujours sans fatigue à l'arrêt ronronnant oreilles écarquillés dans le noir du four des dizaines de chats écoutent l'ami qui lit – lit-il ?
Il nous parle il nous fait cadeau de sa parole il nous fait entrer dans son cadeau il se rend compte qu'il lit son cadeau à des oreilles de chats immobiles on nous a dit pas bouger on bouge pas on nous a dit pas tousser pas éternuer nous sommes collés ensemble un seul chat gros chat d'Alice avec seulement permission de sourire grand silencieux sourire dans l'ombre.
On reste là à écouter cette langue c'est quoi on ne sait pas mais on sait - ce que c'est cette langue on ne pose pas de questions on sait d'où ça vient de loin de derrière nous on comprend tout on comprend rien on comprend tout on comprend tout ce qui se passe là dans l'ombre et la lumière du son finalement on est dans une compréhension d'avant le langage d'avant la lumière quelque chose d'avant l'humain devenu ce qu'il est il nous dit ça l'avant nous resté humain quand même ça nous émeut dans l'avant nous. On sait pas quoi faire. On contemple nos os. On sourit dans l'ombre.
On reste là à écouter grand sourire ouvert ensemble devant celui qui parle sans fatigue - qui au moment voulu de - au bord de l'échafaudage de lui seul choisi par lui seul – arrête -
Dominique Dou
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Pour tout dire, je ne suis pas vraiment friand de lectures poétiques car le corps y est souvent absent et que très vite je m’ennuie. (je sais, je devrais pas dire ça mais comme je vais sur scène également, je me l’applique à moi en premier)
« Le diable, c’est l’ennui » dixit Peter Brook
Mais là je suis un peu tombé sur le cul en écoutant et regardant la performance de Pierre car, c’en était une, et très belle.
A la fin j’ai dit à un ami assis à côté de moi : « Ceux qui ne sont pas venus ont vraiment eu tor » (sorry, toi c’était pas ta faute) et il était d’accord avec moi comme beaucoup d’autres personnes présentes un peu stupéfaites.
Pour moi, c’était comme une révélation, moins au niveau des textes que je connaissais mal, que dans la manière de nous les offrir : un souffle, une énergie, une présence corporelle, sensuelle, une grande justesse et une exigence de tous les instants.
Une performance physique, un engagement au service des textes, de l’humour, du recul sur soi, à faire pâlir bien des comédiens. Je pense ne l’avoir jamais vu et entendu avec cette intensité, mais finalement je le connais depuis peu.
Je suis un peu dithyrambique mais quoi ! c’est aussi une forme d’humilité parce que Pierre nous a mis tous très, très loin...
À suivre et à tantôt
Et une citation de Duchamp en bonus : « Mais tout l’effort de l’avenir sera d’inventer, par réaction à ce qui se passe maintenant, le silence, la lenteur, la solitude. Aujourd’hui, on nous traque. » (1945)
Dominique Braux
*NDLR, les vers arithmonymes comptent tous le même nombre de mots. Ainsi Hölderlin au Mirador d’Ivar Ch'Vavar est-il écrit en vers de onze mots chacun.
Rédigé par Florence Trocmé le lundi 29 octobre 2018 à 17h08 dans Reportages et rencontres | Lien permanent | Commentaires (0)
Balises: Amiens, Christian Edziré Déquesnes, Dominique Braux, Dominique Dou, Ivar Ch'Vavar, Maison du théatre à Amiens, Marie-Christine Menue
Le tour du monde en (deux fois) 80 documents
Après avoir créé un bel espace à cet effet, il y a trois ans, l’Institut Mémoire de l’Édition Contemporaine (IMEC, Abbaye d’Ardenne, Caen) invite à y découvrir chaque année une exposition créée à partir des fonds d’archives que l’institution recueille, conserve et met en valeur. Une personnalité du monde des arts ou des lettres (1) est invité à construire une proposition en « traversant l’ensemble des collections et en choisissant librement les pièces qui parlent à son imaginaire. » Il faut rappeler que l’IMEC rassemble une collection exceptionnelle autour de la vie littéraire, éditoriale, artistique et intellectuelle : fonds d’auteurs, d’éditeurs, de revues et d’institutions ou d’associations. Dans le cadre magnifique de l’ancienne Abbaye d’Ardenne, à Saint-Germain-la-Blanche Église, tout près de Caen, elle conserve ainsi des manuscrits et des brouillons, des lettres et des notes de travail, des carnets, des œuvres graphiques ou photographiques, des éditions originales, parfois même des objets et bien d’autres trésors. (2)
L’exposition de 2018 a été confiée à Gilles A. Tiberghien, chercheur qui travaille à la croisée de l’histoire de l’art et de l’esthétique, en se penchant tout particulièrement sur le rapport entre l’humain et l’environnement. Il a construit sa proposition sur le thème « Récits du monde », sous-titre : Explorer, Décrire, Imaginer, ce qui lui a permis une plongée à la fois très ouverte et très diversifiée dans les archives de l’IMEC.
Une bonne façon de rendre compte du contenu de l’exposition pourrait être de citer quelques-uns des cent-cinquante-cinq documents proposés : une carte de Paris (1959) telle qu’on en voyait dans les classes dans les années 50, une boîte et des plaques de verre chromolithographiées pour lanterne magique (1910), un feuillet manuscrit de Victor Segalen de son Gauguin dans son dernier décor (1904), des photographies de la descente du fleuve Niger avec Jean Rouch (1946-1947), une carte postale et une lettre d’Henri Michaux à Alfredo Gangotena (1927), une lettre d’Antonin Artaud à Jean Paulhan, un montage de textes de Charles-Albert Cingria (1930), une cassette audio et un album de photos d’oiseaux du Tsavo en Afrique, du compositeur Jean-Louis Florentz (1984), une malle de voyage de Gisèle Freund (années 1940), un feuillet manuscrit du Rimbaud en Belgique et à Londres. Fin des Illuminations de Paterne Berrichon (1911), une lettre de Claude Lévi-Strauss à Pierre Clastres (1963), un plan manuscrit du quartier de Robien à Saint-Brieuc de Christian Prigent (2012) ou encore cette Carte du pôle Sud annotée par Jules Verne pour son livre Le Sphinx des Glaces (1897).
Ce grand tour du monde se fait en plusieurs étapes ou selon plusieurs axes : fabrique d’un imaginaire, exotismes, l’aventure, au cœur des ténèbres, le regard anthropologique, évocations et l’imagination à l’épreuve du réel.
« Les récits, comme le vent, se lèvent, soufflent sur le monde, traversent les communautés humaines et se déposent, ici ou là, chez un auditeur plus attentif qu’un autre, plus imaginatif parfois, qui saura donner une forme nouvelle à ce qu’il a entendu. » écrit Gilles Tiberghien dans le livre-catalogue qui accompagne l’exposition en reproduisant l’intégralité des documents : c’est une belle invitation à explorer et à imaginer, en se laissant porter par la double fascination des archives et de leur incitation au voyage, réel ou imaginaire.
Florence Trocmé
Ressources et informations :
• On peut lire un article consacré à l’exposition et un entretien avec Gilles Tiberghien dans Les Carnets de l’Imec, accessible gratuitement sur ce lien (cliquer sur le numéro 10)
• Exposition du 20 octobre 2018 au 17 février 2019, du mercredi au dimanche, de 14h à 18h, IMEC, Abbaye d’Ardenne, 14280 Saint-Germain-la-Blanche-Herbe
• Livre catalogue, :
Gilles A. Tiberghien, Récits du monde, coll. Le lieu de l’archive, IMEC 2018, 192 p., 28€
Notes
1. La première exposition, L’ineffacé, dont Poezibao a rendu compte fut confiée à Jean-Christophe Bailly. La seconde, Intérieur, à Gérard Wajcman. Celle de 2018-2019, Récits du Monde, à Gilles A. Tiberghien.
2. Parmi les fonds d’auteurs on peut citer quelques noms : Yves Bonnefoy, Michel Deguy, Emmanuel Bove, Maria Casarès, Georges Didi-Huberman, Marguerite Duras, Violette Leduc, Hélène Bessette, Philippe Lacoue-Labarthe, Jacques Derrida, Jean Paulhan, Erik Satie, Claude Esteban, Hubert Lucot, etc. On peut consulter cette page et on ne saurait trop inviter à cliquer sur quelques noms pour se faire une idée des documents conservés. Parmi les fonds d’éditeurs, le fonds Hachette qui fournit nombre des documents de la présente exposition, mais aussi Buchet Chastel, Christian Bourgois, Eric Losfeld, etc.
Rédigé par Florence Trocmé le vendredi 26 octobre 2018 à 09h45 dans Reportages et rencontres | Lien permanent | Commentaires (0)
Balises: Abbaye d'Ardenne, Antonin Artaud, archives, Gilles A. Tiberghien, Gisèle Freund, IMEC, Institut mémoire de l'édition contemporain, Jean Paulhan, Jules Verne, Récits du monde, Victor Segalen
Une nouvelle collection de poésie
Rencontre avec Habib Tengour
Paris, le jeudi 6 septembre 2018
Poezibao s’est entretenu avec le poète Habib Tengour d’une collection de poésie qu’il a récemment lancée au sein des éditions algériennes APIC. Le site avait reçu récemment deux livres publiés dans cette collection, Le Divan amoureux de Michel Deguy et Tresse d’ail de Marilyn Hacker.
Ce qui frappe d’emblée quand on parle de cette collection avec Habib Tengour, c’est son esprit d’ouverture. Elle porte bien son nom de « Poèmes du monde » et le projet éditorial, s’il se veut ouvert à divers courants poétiques, est très précis sur ce point. Il s’agira chaque année de publier deux ouvrages français ou francophones, deux ouvrages arabes traduits en français, deux ouvrages d’une littérature étrangère traduits en français. C’est donc une collection de poésie contemporaine internationale qui voit le jour, notamment pour offrir au lecteur algérien (mais aussi bien sûr à tout lecteur francophone) des recueils de poèmes originaux du monde entier. Quelques grandes signatures sont déjà présentes parmi les premières parutions. A côté des deux livres déjà cités, on peut signaler Pierre Joris (Stations d’Al-Hallaj, traduit de l’anglais par Habib Tengour), Cécile Oumhani (Marcher loin sous les nuages), et pour les auteurs de langue arabe le Marocain Abdallah Zrika, (Tortue de l’effacement traduit par l’auteur et Jean-Charles Depaule) ou le Libanais Issa Maklouf, (La Solitude de l’or, traduit par Jamel Eddine Bencheikh et Esma Hind Tengour). On ne manquera pas de signaler aussi bien sûr Traverser d’Habib Tengour, poème, suivi de l’adaptation scénique d’Alain Rais.
Les livres sont sobres, élégants, couvertures vert bronze, mauve, grise ou bordeaux. Tous bilingues. Chacun s’ouvre par une présentation du livre et se conclut par sept questions posées à l’auteur, autant d’attentions pour le lecteur qui attestent d’un vrai travail éditorial.
Ce n’est pas si fréquent de voir lancer une nouvelle collection de poésie et quand en plus elle est le fait d’un éditeur algérien et pilotée par un auteur aussi reconnu qu’Habib Tengour, on ne peut que souhaiter qu’elle trouve vite son public. En Algérie comme en France, les conditions éditoriales de la poésie ne sont guère brillantes mais ce projet, soigné et tenu, ainsi que les belles signatures déjà présentes dans la collection, l’y aideront.
Florence Trocmé
Rédigé par Florence Trocmé le vendredi 07 septembre 2018 à 17h43 dans Reportages et rencontres | Lien permanent | Commentaires (0)